Visas iraniens : intransigeance sur les libertés fondamentales et les droits des femmes

Des visas au Maire de Téhéran et à ses 13 sbires… Impossible pour moi de rester passif. Non, on ne déroule pas le tapis rouge au Boucher de Téhéran. Encore moins après la prise d’otage durant 455 jours d’Olivier Vandecasteele. Encore moins après la répression sanglante à Téhéran depuis la mort de Mahsa Amini. Point. Et oui, la vérité qui nous a été présentée cette semaine par la Ministre des Affaires étrangères en Commission n’est pas la même que celle défendue une semaine plus tôt en plénière à la Chambre. Cet écart entre les 2 versions est insupportable. Non seulement, en réalité, la Ministre des Affaires étrangères était bel et bien compétente pour l’octroi de ces visas. Mais surtout, elle était la seule compétente pour délivrer des “Visas à Territorialité Limitée”. Résultat des courses : les pires faucons du régime iranien ont pu se promener librement à Bruxelles et intimider des opposantes iraniennes en exil sur notre territoire. Je sais que je suis député de la majorité. Mais quand la liberté est en danger, c’est mon devoir de me lever. Les écologistes ne transigent pas sur les droits des femmes et les libertés de nos compatriotes.

Mon intervention complète lors de la Commission des Relations extérieures du mercredi 21 juin :

Merci, madame la présidente, merci aussi au premier ministre pour sa présence. Madame la ministre, c’est à vous que j’ai envie de m’adresser aujourd’hui puisque je vous ai posé une question jeudi dernier en séance plénière et que je ne comprends pas pourquoi la vérité d’aujourd’hui n’est plus la même que celle de jeudi dernier.

Le pire dans cette histoire est ce qui alimente la polémique autour de l’octroi de ces visas, ces nouveaux éléments qui, chaque jour, remettent en question la version que vous avez pourtant défendue devant nous en plénière.

Je reprends vos mots: “On ne pouvait pas être plus clair”. Au contraire, on ne pourrait pas être plus flou, vous ne pourriez pas être plus floue qu’aujourd’hui. Quand j’ai lu les emails qui ont été rendus publics par le cabinet Smet, j’ai découvert que votre administration, le directeur général de la section Moyen Orient du SPF Affaires étrangères disait clairement non à l’invitation.

Qu’est-ce qui a changé le 10 mai lors de cet échange téléphonique avec le secrétaire d’État Smet? Je ne comprends pas. En quoi le refus d’un visa serait-il plus humiliant que le refus d’une invitation, d’autant plus pour le vice-président de Metropolis?

Vous disiez aussi: “Monsieur Smet mène sa politique internationale avec ou sans nous”. Pourtant, ce que j’ai pu constater depuis jeudi dernier, c’est qu’en tout cas jusqu’au 10 mai, la Région bruxelloise s’alignait sur la politique des Affaires étrangères – ce qui est normal, c’est votre compétence. Vous disiez aussi: “la Région bruxelloise insiste sur le fédéralisme de coopération”, sous-entendu que la décision leur reviendrait, mais en réalité, tout ce que l’entité fédérée vous a rappelé, c’est sa loyauté fédérale.

Le pire dans cette histoire, je pense, est la conclusion. Vous avez utilisé des mots très durs. Tout cela alimenté – évidemment – par votre président de parti qui, lui aussi, a utilisé une ligne très dure. “Cette invitation salit l’image de notre capitale.” Pourquoi avoir utilisé des mots aussi virulents à l’égard de l’Iran s’il s’agit aujourd’hui, par nécessité justement, d’être diplomatique à l’égard de l’Iran?

Vous prétendiez que la venue des Iraniens était inopportune et aujourd’hui, vous nous expliquez qu’elle est finalement nécessaire! Je dois donc bien vous avouer que je ne vois qu’une seule explication plausible, c’est que le premier ministre a dit la vérité mais pas vous lors de la plénière de jeudi dernier. Ce grand écart entre les deux versions pose un vrai problème.

Deuxièmement, la procédure constitue l’autre problème majeur dans ce dossier. On a l’impression que vous n’avez pas respecté la procédure que vous aviez vous-même indiquée dans une circulaire à vos propres services consulaires. Finalement, c’est la question que je vous pose et j’aimerais vraiment obtenir une clarification: avez-vous bien statué seule sur l’octroi de ces visas à territorialité limitée? Parce qu’on a un peu entendu tout et son contraire avec la Région bruxelloise (on sait qu’elle est compétente), le Dienst Vreemdelingen Zaken, donc l’Office des étrangers. Qu’en est-il? On parle quand même ici du boucher de Téhéran qui a pu se promener en toute liberté les mains dans les poches et même intimider des opposants au régime iranien en exil sur notre territoire. Donc, ça ne va pas! On ne transige pas avec les libertés! On ne transige pas avec les droits des femmes! Enfin, il y a encore trop de zones d’ombre.

Je suis désolé, vous avez dit maintenant – et je l’apprends – que des délégués de Machhad étaient présents à Bruxelles et quid des autres villes iraniennes? De Karadj, d’Ispahan, de Tabriz, de Shiraz, de Ahvaz? Quid de Moscou aussi? Je suis désolé, je pose la question mais ce n’est pas clair. Et qu’est-ce que votre directeur aussi, le fameux directeur de la section Moyen-Orient du SPF Affaires étrangères, a répondu à la demande du 3 mai du cabinet Smets? On l’ignore!

Sur les visas qui ont été délivrés, comment se fait-il que nous sommes passés de 4 délégués le 20 mars à 16 personnes et ensuite, à 14 dans les faits avec des visas qui ne correspondaient pas à la liste des invités? Nous sommes parlementaires et nous devons faire notre boulot et nous sommes obligés, aujourd’hui, de vous poser ces questions. Nous attendons vraiment toute la transparence et , je vous entends évidemment, c’est normal! Pour moi, c’est vraiment là que se pose la question. Au-delà de tout l’imbroglio institutionnel, le mal est fait pour ces familles d’Iraniens en exil sur notre territoire et ce sont ces familles que nous devons, nous, protéger en notre qualité de parlementaires, garants de l’ordre démocratique sur le territoire belge. Bref, pourquoi ne pas avoir dit la vérité dès jeudi dernier? C’est ma question.

Extrait de la réponse de la Ministre :

“Monsieur Cogolati, la compétence de délivrer un visa territorialement limité (VTL) relève effectivement des Affaires étrangères. Je l’ai dit. Les bases de données des signalements ont été consultées. L’Office des étrangers a fait des vérifications. La Sûreté de l’État n’a pas émis d’objections, ni le cabinet du premier ministre. Toutes les vérifications en vue de délivrer ces visas territorialement limités ont été faites. Nous n’avions aucune raison objective de refuser ces visas.

La liste définitive des demandes officielles de visas iraniennes qui ont été introduites était reprise dans la note verbale, c’est-à-dire dans la demande officielle introduite par les autorités iraniennes pour les demandes de visa effectives. Toutes ces demandes effectives ont fait l’objet de toutes les vérifications et consultations que j’ai détaillées.

Non, je n’ai pas contredit mon administration! Il n’était pas opportun de lancer ces invitations. On l’a dit. Mais elles étaient déjà lancées. Et je le répète encore une fois, avec ces seules invitations les personnes concernées avaient le droit de réclamer un VTL et de venir, si elles n’avaient pas besoin de visa, sur notre territoire pour assister à cet événement international.”