Réviser la loi pour garantir l’emploi de l’ensemble du personnel de Tihange sur toute la durée de sa carrière

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Suite à l’arrêt de Tihange 2, j’ai demandé au Ministre du Travail, Pierre-Yves Dermagne, où en était le “Plan d’accompagnement social” pour les travailleurs de Tihange (prévu par la Loi). Pour rappel, l’article 10 de la loi sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire énonce ceci : “Lorsqu’il est procédé à la fermeture d’une centrale nucléaire, un plan d’accompagnement social doit être élaboré pour les travailleurs concernés, en concertation avec les partenaires sociaux.

Oui mais voilà, selon le Ministre, il faudrait attendre la fermeture définitive du site avant de pouvoir parler de Plan d’accompagnement social pour les travailleurs… Soit au minimum 2036 à Tihange ! Ce qui n’a évidemment aucun sens pour un travailleur de Tihange 2 dont la tranche est à l’arrêt depuis le 1er février 2023, et qui devrait donc attendre 13 ans avant de pouvoir être protégé par ce Plan d’accompagnement social (pourtant obligatoire dans la Loi)…

Pas de panique néanmoins. A ce stade, l’engagement d’Engie est de garantir l’emploi de l’ensemble du personnel jusque 2027.

Mais on pourrait aller plus loin encore dans la protection du personnel de Tihange. Notre volonté est en tous cas de garantir l’emploi de l’ensemble du personnel, sur toute la durée de la carrière, soit dans le cadre des travaux de démantèlement du site, soit dans un autre secteur du groupe Engie.

C’est pourquoi je vais déposer en urgence une révision de la loi de 2003 pour imposer que ce Plan d’accompagnement social puisse être conclu avant l’arrêt de chaque tranche. Car si l’on fait attendre les travailleurs jusque 2036 à la fermeture définitive du site, vous comprenez bien que ce Plan d’accompagnement social n’aura plus aucune utilité pour tous les travailleurs dont la tranche a été arrêtée plus tôt en 2023 (Tihange 2) et 2025 (Tihange 1). Concrètement, si ma loi est adoptée, l’emploi de chaque travailleur à Tihange serait ainsi protégé par un Plan d’accompagnement social, en concertation avec les syndicats, et ce avant l’arrêt de chaque réacteur.

Compte rendu intégral de l’échange :

03.01  Samuel Cogolati (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, ma question se concentre sur l’application d’un article de loi en particulier: l’article 10 de la loi sur la sortie du nucléaire de 2003 indiquant que: “Lorsqu’il est procédé à la fermeture d’une centrale nucléaire, un plan d’accompagnement social doit être élaboré pour les travailleurs concernés, en concertation avec les partenaires sociaux.

On rentre ici clairement dans le cadre de la loi. Avez-vous reçu ou exigé d’ENGIE ce plan d’accompagnement social? Quel est-il, s’il existe déjà? Est-il élaboré ou en préparation?

On a déjà eu ce dialogue avec vos collègues Van der Straeten et Verlinden. Où en êtes-vous dans le dialogue à la fois au sein de la task force fédérale mais aussi avec vos collègues régionaux (Mme Morreale, M. Borsu et M. Collignon sont aussi impliqués dans une task force régionale pour ce qui concerne Tihange) dans le processus de reconversion économique du site et dans l’accompagnement social des travailleurs?

03.04  Pierre-Yves Dermagne, ministre: Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci pour vos questions, qui me permettent effectivement de faire le point sur cet article 10 de la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l’énergie nucléaire à des fins de production industrielle d’électricité. Cet article 10 prévoit effectivement l’élaboration d’un plan d’accompagnement social lors de la fermeture d’une centrale nucléaire.

Comme vous le savez, cet article a été adopté au Parlement par le biais d’un amendement parlementaire. La justification de l’amendement fait référence au moment de la fermeture définitive d’une centrale nucléaire et à la tradition sectorielle de permanence et de redéploiement des emplois au sein du secteur. Les auteurs de l’amendement souhaitaient que les modalités de sortie et/ou de départ ne puissent être invoquées que dans un deuxième temps, donc sous réserve de l’élaboration d’un plan d’accompagnement social.

Comme vous le savez, actuellement, deux réacteurs nucléaires ont été définitivement mis à l’arrêt et devront bien entendu faire l’objet d’opérations de démantèlement.

La question d’un plan d’accompagnement social n’est donc pas encore à l’ordre du jour, puisqu’on ne parle pas de fermeture définitive de centrale. Il n’y a donc pas encore de négociation en cours avec le groupe ENGIE, en tout cas à ce sujet. Par contre, comme vous le savez, le groupe ENGIE a conclu une garantie d’emploi jusqu’en 2027. Dans le cadre de la sortie progressive du nucléaire, il a pris cet engagement envers son personnel jusqu’en 2027.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, le gouvernement wallon a mis en place une task force régionale concernant plus particulièrement le site de Tihange et l’avenir de ses travailleurs. En ce qui concerne la Flandre, un tel plan n’a pas encore été envisagé, mais nous suivrons bien entendu l’avenir du secteur et des travailleurs du secteur avec une attention particulière.

03.05  Samuel Cogolati (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, merci pour ce retour sur la genèse de l’article 10. Si je vous comprends bien et si je suis cette interprétation, si on reprend la genèse de la loi, Tihange 3 et Doel 4 sont prolongées de dix ans à partir de novembre 2026. Tel est en tout cas le plan de votre gouvernement. Il n’y aura donc pas de fermeture définitive du site avant 2036. Que cela implique-t-il pour les travailleurs déjà concernés par la fermeture de leur tranche, par exemple Tihange 2 et Doel 3 en 2022 et 2023? Pas de plan d’accompagnement social avant 2036?

Vous voyez le gros problème qui se dessine pour vous et vous devinez la nouvelle question parlementaire qui émerge sous vos yeux dans cette salle plénière. Il sera en effet problématique de devoir annoncer aux travailleurs de Tihange et de Doel qu’ils n’auront pas de plan d’accompagnement social avant 2036 parce qu’il faut attendre une fermeture définitive de tout le site! Je crois que la situation mérite d’être réglée rapidement.

03.06  Pierre-Yves Dermagne, ministre: Si vous me le permettez, vous savez que la question du maintien du personnel, notamment pour ce qui concerne les opérations de prolongation de l’activité et de démantèlement, est particulièrement importante. ENGIE s’est inscrite dans cette logique-là en s’engageant, pour l’instant, jusqu’à 2027 en termes de garantie de l’emploi.

Bien entendu, l’issue des négociations entre ENGIE et le gouvernement fédéral concernant la prolongation de deux tranches nucléaires aura une incidence sur ce plan et sur cette garantie d’emploi nécessaire au maintien de l’activité de production et de démantèlement. Il s’agit là d’un dossier que nous suivons de près.

La présidente: J’en reviens à M. Cogolati, parce qu’il n’avait pas terminé sa réplique.

03.09  Samuel Cogolati (Ecolo-Groen): Madame la présidente, désolé! Du coup, je voulais laisser au ministre l’occasion de répondre. Je n’avais pas réagi sur le fond. Or il me semble important de répliquer.

Il y a une gigantesque différence entre la fermeture de centrales nucléaires à Tihange et à Doel, et ce que certains politiciens appellent un “mini-Arcelor” ou un “mini-Caterpillar”. En effet, pour Caterpillar et Arcelor, ce n’était pas prévisible et les conditions ont été socialement dramatiques. Ici, personne ne peut prétendre que nous ne pouvions pas prévoir la fermeture de Tihange (depuis au moins 20 ans). C’est prévu dans la loi, comme le plan d’accompagnement social. C’est une garantie d’emploi pour les travailleurs actuels.

Vous venez de déclarer que selon la loi, les travailleurs doivent attendre jusque 2036 pour un plan d’accompagnement social. C’est complètement ridicule! Je propose donc, de manière très pragmatique, de changer la loi afin de prévoir un plan d’accompagnement social avant la fermeture de chaque tranche, pour que les travailleurs de Tihange 2 ou de Doel 3 qui sont déjà concernés par la fermeture de leur propre réacteur puissent être accompagnés socialement et avoir une garantie d’emploi.

Au-delà des travailleurs directs de Tihange, il y a aussi de nombreux travailleurs indirects. Il ne faut pas oublier que le démantèlement représente un vivier de nouveaux emplois potentiels pour notre région. Je pense à une entreprise comme John Cockerill, un peu plus loin que Tihange dans le bassin mosan à Seraing, qui pourrait évidemment s’impliquer dans le démantèlement, dans la décontamination chimique et radioactive de tous les matériaux issus du démantèlement. C’est un chantier pharaonique et je vous encourage à en discuter avec vos collègues, les ministres Verlinden et Van der Straeten, ainsi qu’avec vos collègues régionaux pour que ces nouveaux emplois liés au démantèlement soient créés dans notre région liégeoise et pas dans d’autres pays.