Risque de pénurie de combustible pour les centrales nucléaires belges

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Pour la 2e fois en quelques mois, l’Allemagne suspend l’exportation de barres de combustibles nucléaires en provenance de l’usine Areva de Lingen vers les centrales de Doel 1 et 2.

La première fois, c’était en octobre dernier à la suite d’une plainte déposée par un citoyen, qui dénonçait une atteinte à ses droits fondamentaux : la proximité d’une centrale approvisionnée par une entreprise allemande mettait à mal son droit à la vie. Sa plainte a eu un effet suspensif, avant d’être rejetée pour motif qu’il agissait en tant que personne privée.

Oui mais voilà, début janvier, la Fédération allemande pour l’environnement et la protection de la nature (BUND), la plus grande organisation environnementale en Allemagne avec près de 500.000 membres, s’est à son tour opposée à l’exportation de 52 éléments combustibles de Lingen vers la centrale nucléaire de Doel. Dans sa déclaration d’opposition, le BUND croise la dangerosité des deux réacteurs de Doel 1 et de Doel 2 avec une simulation réalisée par l’Université de Vienne qui montre qu’en cas d’accident nucléaire, de vastes zones de Rhénanie du Nord-Westphalie seraient touchées par une contamination radioactive considérable. Et de rappeler que la frontière allemande est située à moins de 120 km de la centrale nucléaire belge.

En attendant un nouveau jugement, l’objection déposée par le BUND a (comme c’était le cas avec celle introduite par le citoyen) un effet suspensif, et empêche toujours le transport des éléments combustibles vers Doel !

Cette affaire judiciaire est un vrai coup de barre pour le nucléaire en Belgique, et montre que nos pays voisins ont des craintes quant à la sécurité de nos installations nucléaires vieillissantes… Même si cette actualité passe complètement inaperçue en Belgique, la colère gronde en Allemagne. Tant les exécutifs que la justice en Allemagne tentent de stopper l’exportation de combustible vers les centrales nucléaires belges. Or, 25 % du combustible de Doel et Tihange est produit en Allemagne !

Le risque de pénurie a déjà été jugé « sérieux » par la Ministre de l’Énergie. Ce problème d’approvisionnement démontre aussi la dépendance énergétique de la Belgique quand il s’agit du nucléaire. L’uranium reste une ressource limitée, non renouvelable, non durable et extrêmement difficile à exploiter ! On n’en trouve évidemment pas dans notre pays. Et les risques d’approvisionnement sont réels, comme le montre encore cette affaire. La Belgique doit donc se tourner vers le renouvelable pour assurer la sécurité d’approvisionnement sur le long terme. En effet, pour la première fois, ce sont les énergies renouvelables qui génèrent la plus grosse part d’électricité en Europe : 38 % contre 37 % d’énergies fossiles et 25 % pour le nucléaire.

J’interrogerai prochainement la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten, pour mieux connaître l’impact de la décision judiciaire allemande sur l’approvisionnement énergétique de notre pays et les alternatives mises en place par l’exploitant nucléaire pour faire face à cette pénurie.