Accord Iran-Belgique : ne pas donner un chèque en blanc à l’Iran

L’accord négocié entre le gouvernement belge et l’Iran représente l’un des pires dilemmes auxquels j’ai pu être confronté. La ligne que je me suis toujours imposée au Parlement est la défense de l’État de droit et des droits humains. Il est donc hors de question de donner un chèque en blanc à l’Iran. Voilà pourquoi nous avons exigé des garanties très fermes de la part du Ministre de la Justice.Nous ferons aussi tout pour sauver des vies innocentes aujourd’hui arbitrairement détenues en Iran. Comptez sur nous pour ne rien lâcher. Découvrez ici le texte de mon interpellation du Ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne :

Monsieur le Ministre,

Soyons francs : vous nous confrontez à un dilemme moral, éthique, juridique, particulièrement délicat, particulièrement inhabituel.

Permettez-moi de déplorer la méthode choisie. Voter snel-snel en extrême urgence « un » package invraisemblable de 5 traités, sans avis extérieurs, j’aurais aimé entendre ceux d’Amnesty International, du haut représentant Joseph Borell …

Nous prenons parfois des mois pour voter une résolution. Ici quelques jours pour 5 traités ?

Je voudrais aussi dire un mot d’appréciation pour les collègues, tous partis confondus, et notamment de notre Présidente. Leur prudence et leur indépendance forcent le respect. C’est ce qui me fait encore croire, comme tout jeune parlementaire, dans l’engagement politique.

Nous ne sommes pas des presse-boutons. Nous avons été élus pour défendre l’État de droit et les droits humains. Je mènerai cette mission jusqu’au bout.

Voilà pour la forme. Maintenant sur le fond :

1. Vous auriez pu fonctionner comme cela se fait le plus souvent, de manière ad hoc, case by case. Nous avons déjà un cadre légal défini par la Loi du 23 mai 1990 sur le transfèrement interétatique des personnes condamnées, la reprise et le transfert de la surveillance de personnes condamnées sous condition ou libérées sous condition ainsi que la reprise et le transfert de l’exécution de peines et de mesures privatives de liberté.

D’ailleurs, nous sommes appelés à ratifier un traité qui règle déjà le transfèrement des personnes condamnées, c’est le Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées.

Vous avez décidé, en revanche, de passer par un traité bilatéral spécifique avec l’Iran, par définition de nature générale, ici au Parlement, adjoint à 4 autres traités qui n’ont pas tous grand chose à voir avec l’Iran.

2. En passant par le Parlement, nous sommes en droit de vous demander toute la transparence, Monsieur le Ministre. Vous avez dit, pour justifier l’urgence, que nous connaissions l’ensemble des éléments qui pressaient un deal. Oui, j’ai mon idée, j’ai entendu parler d’éléments qui pourraient justifier un tel traité ? Je lis aussi la presse, j’ai des contacts avec la société civile. Mais quel est le deal ?

Quelles sont ses implications ?

Car si des raisons humanitaires de libération et de survie de détenus innocents, dont celle d’un ressortissant belge, …, sont en jeu, oui, les écologistes feront tout et soutiendront tous les efforts visant à libérer des innocents !

Mais il est hors de question pour nous de donner un chèque en blanc à l’Iran !

Nous représentons le peuple belge, l’intérêt supérieur de la Nation, et je veux connaître les implications.

Le 15 juin dernier, le Premier ministre répondait à ma question sur le Professeur Djalali et ne voyait aucun échange possible :

« Wat de zaak van de in ons land veroordeelde Iraanse diplomaat Assadi betreft, herinner ik eraan dat België een rechtsstaat is. Het principe van scheiding der machten is essentieel. In het Belgische rechtssysteem bestaat er niet zoiets als een swap of gevangenenruil, daarvoor bestaat geen juridische basis. De rechterlijke macht heeft in alle onafhankelijkheid en zonder beïnvloeding van buitenaf haar werk gedaan. »

Et donc, la question que tout le monde se pose mais n’ose pas poser : En votant ce texte, permettons-nous de libérer Assadolah Assadi, mais en échange de sauver la vie au professeur irano-suédois de la VUB Ahmadreza Djalali et/ou du travailleur humanitaire belge Olivier Vandecasteele ? Oui ou non ? Ça change quand même la donne.

Le professeur Djalali n’a pas la nationalité belge, il est irano-suédois.

Mais quelles garanties avons-nous reçues sur sa libération en échange du transfert d’Assadolah Assadi ? Confirmez-vous bien qu’en soi, le traité en discussion ne concerne absolument pas le professeur Djalali puisqu’il n’a pas la nationalité belge ?

Il y a en vérité 4 Iraniens condamnés à des peines d’emprisonnement par le tribunal correctionel d’Anvers :

– Assadollah Assadi (50) : 20 ans de prison

– Amir Saadouni (42): 18 ans de prison

– Nasimeh Naami (37) : 18 ans de prison

– quatrième : 17 ans de prison

Les 4 remplissent-ils toutes les conditions pour faire l’objet d’un transfert en Iran ? Y en a-t-il d’autres ?

Au final, tout dépend de comment le traité sera appliqué. La mise en œuvre est capitale. Le texte de la Convention vous donne la possibilité de tout refuser. Je vous demande donc de savoir comment ce traité sera appliqué, avec quelles garanties pour :

– le respect de l’État de droit en Belgique,

– et la libération de vies innocentes ?

=> Ce sont mes 2 marqueurs qui guideront mon vote aujourd’hui !

3. Je me pose sincèrement la question du signal politique que nous pourrions donner en renvoyant des personnes reconnues coupables de fomenter des attentats terroristes à leur gouvernement ? Quel message envoyons-nous à notre système judiciaire, notamment le parquet qui a bossé 4 ans sur cette affaire, ou encore aux parties civiles ?

Pour nous, il est hors de question de donner un chèque en blanc à l’Iran ! Allez-vous oser encore arrêter des Iraniens, par exemple pour des faits de terrorisme ? Allons-nous encore oser faire respecter la loi sur notre sol ? C’est ça qui est en jeu.

Je me suis toujours opposé à tout chantage avec des régimes autoritaires. Je garderai ma ligne ici aussi.