Éviter un nouveau déni de démocratie au peuple congolais

Mon texte rédigé dans le cadre du vote de cette proposition de résolution :

J’aimerais commencer par vous raconter une petite anecdote… Il y a peu, je partageais un verre sur le Quai de La Batte à Liège avec plusieurs leaders d’opinion de la communauté congolaise de Belgique… et ces derniers m’interrogeaient pour comprendre pourquoi leur pays d’origine, la République démocratique du Congo, n’était jamais à l’avant-plan de l’actualité politique belge & même européenne !

Je devais bien leur concéder que ce qui se passe au Congo, en particulier à l’Est, suscite trop peu d’attention médiatique en Europe, d’autant plus vu notre responsabilité historique et aujourd’hui économique. En revanche, ce nouveau texte montre bien que la République démocratique du Congo figure comme priorité absolue d’au moins une majorité des membres de la Commission des relations extérieures !

Et je voudrais là en particulier remercier la collègue Els Van Hoof pour son excellente initiative, à laquelle nous avons d’ailleurs aussi pu contribuer. Oui, le Congo est de loin l’un de nos partenaires politiques les plus importants en Afrique et dans le monde, et doit le rester ! La première mission bilatérale de notre assemblée à l’étranger durant cette législature était d’ailleurs au Congo, avec André Flahaut et Nahima Lanjri, j’aime le souligner.

En réponse à mes amis congolais de Liège, j’ai d’ailleurs pu annoncer que nous voterions aujourd’hui ce texte en assemblée plénière, et ce, afin d’éviter un nouveau déni de démocratie en République démocratique du Congo… Et mes amis congolais étaient positivement surpris.

Néanmoins, l’heure n’est pas vraiment à la fête.

D’abord, il faut bien admettre que le dernier processus électoral n’avait rien de très inclusif, transparent, crédible et apaisé … les Congolais disent qu’ils ont le droit de voter, ça oui, mais PAS d’élire librement leurs représentants. C’est franchement insoutenable à entendre.

Ensuite, en ce moment même, l’espace des libertés en République démocratique du Congo semble chaque jour un peu plus restreint. Je suis profondément inquiet par le nombre trop important de violations des libertés fondamentales et d’actes de violence visant les opposants politiques, journalistes, défenseurs des droits humains et manifestants pro-démocratie. Comme Président du Comité des droits de l’homme des parlementairesà l’UIP, je peux témoigner d’une réelle augmentation des cas de parlementaires en danger en République démocratique du Congo, sans parler du meurtre de Chérubin Okende Senga en juillet dernier qui doit toutes et tous nous alerter. Il ne peut y avoir d’espace démocratique sans voix dissidentes et sans opposition !

Voilà pourquoi mes amis congolais me parlent d’une grave crise de la légitimité politique nourrie par trop de dénis de démocratie et de mascarades électorales. Cela doit cesser !

Après des décennies de colonialisme, puis de dictature, de dérives autoritaires et maintenant de guerre et prédation économique, les Congolais aspirent à l’avènement d’une véritable société démocratique ! Et c’est un honneur de relayer leur message devant cette assemblée.

Ainsi, au PTB qui a voté contre cette résolution, je souhaite simplement dire que soutenir une démocratie forte au Congo, c’est justement soutenir sa lutte pour s’affranchir de liens néocoloniaux et contre l’emprise croissante d’entités étrangères violentes et mal intentionnées. Et je ne vois vraiment pas pourquoi les 100 millions de Congolaises et Congolais n’auraient pas le droit d’élire leurs représentants librement !

Les Congolais ne se font pas d’illusions. Les élections générales auront lieu dans moins d’un mois. Et chers collègues, il faudrait être de très mauvaise foi pour soutenir que des observateurs internationaux suffisent pour garantir un processus d’alternance démocratique. Non, la participation de toutes et tous au Congo, dans toutes les provinces, l’indépendance des institutions (en premier lieu, de la CENI), le respect des droits humains et des libertés politiques, la lutte contre l’impunité, en particulier pour les atrocités commises à l’Est, la liberté de la presse (sans craindre de se faire enfermer)et un espace ouvert pour la société civile sont nécessaires pour éviter un nouveau déni de démocratie.

Le sens de mon intervention n’est pas de donner des leçons. Que du contraire, la Belgique est en partie responsable de la situation actuelle ! C’est donc un appel à prendre NOS RESPONSABILITÉS ici en Belgique. Nous pouvons, devons, agir d’au moins 3 façons en faveur de vrais scrutins ouverts, crédibles et transparents au Congo :

1. Augmenter le soutien financier aux ONG, organisations paysannes, de femmes, syndicats en RDC ! Car ce n’est que grâce à la vigilance de la société civile congolaise, des mouvements citoyens et de l’opposition, que Joseph Kabila n’a pu modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Dans mes cours à Butembo, je suis toujours impressionné par l’incroyable niveau d’engagement, de politisation et d’intégrité des étudiants malgré des atrocités qui durent depuis plus de 25 ans et l’absence totale de services de sécurité, même des plus basiques ! C’est cette société civile congolaise qui, riche de sa diversité, agit en tant que contre-pouvoir pour dénoncer les violations des libertés les plus basiques du peuple congolais. C’est aussi elle qui doit être soutenue dans ses actions ambitieuses pour opérer un contrôle effectif sur le processus électoral.

2. Le Congo représente 77 fois la taille de la Belgique ! Organiser des élections sur un tel territoire dans de bonnes conditions exige un financement très important. Il faut plus d’un demi milliard d’euros ! Voilà pourquoi les écologistes demandent au gouvernement fédéral, en lien avec les souhaits exprimés par les autorités congolaises, un soutien financier, humain, logistique pour que les autorités congolaises puissent relever cet immense défi.

3. Faire le lien avec l’autre résolution votée ce jour même sur l’Est de la RDC. Comment organiser des élections libres alors que deux provinces entières, à savoir l’Ituri et le Nord-Kivu, sont toujours sous état de siège (même s’il est allégé depuis octobre) ? Comment préparer des débats électoraux libres et ouverts dans une société entièrement militarisée ? Il faut soutenir, dans la mesure du possible, l’organisation du processus électoral aussi dans ces provinces-là. Car la société civile congolaise craint que l’insécurité à l’Est ne soit instrumentalisée, et que l’absence d’élections n’entraîne sur place davantage de malaises et d’insécurité.

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Des solutions pour garantir un vrai processus démocratique existent ! Certaines voix congolaises s’élèvent, par exemple, pour demander un comptage parallèle des votes, une centralisation des PV et même une publication des résultats provisoires avant ceux de la CENI. Cette confrontation des résultats entre observateurs, témoins des partis et la CENI apporterait certainement plus de confiance ! Je ne dis pas que c’est la seule solution. Je dis simplement qu’il faut changer le logiciel qui n’a jusqu’ici apporté que la guerre, l’impunité, l’injustice et n a pas permis de mettre fin à la crise de légitimité des animateurs des institutions congolaises et de consolider les faibles acquis démocratiques.

Ma volonté est ainsi de mettre la pression sur la Belgique pour que nous utilisions TOUS les leviers, politiques, financiers, logistiques, diplomatiques, pour éviter un nouveau déni de démocratie au peuple congolais, pour éviter la stratégie du fait accompli et que chaque vote des citoyens congolais soit vraiment pris en compte pour élire leurs prochains dirigeants.