Au-delà de Julian Assange, lutter contre le risque d’atteinte majeure aux libertés fondamentales des journalistes et lanceurs d’alertes

Il y a deux semaines maintenant, le tribunal londonien a rendu un avis en première instance sur l’extradition de Julian Assange aux États-Unis. Et pourtant, les questions restent pertinentes puisqu’il reste détenu en isolement total dans la prison de Belmarsh, une prison de très haute sécurité. On connaît le rapport d’Amnesty International et le rapport spécial des Nations Unies sur la torture, qui parle de torture psychologique dans le cas de Julian Assange et dans ce contexte de la prison de Belmarsh.

Ensuite, le risque d’extradition de Julian Assange vers les Étas-Unis reste une épée de Damoclès. Il est vraiment capital de rappeler ce qu’Amnesty International nous en dit. L’extradition de Julian Assange aurait véritablement de lourdes conséquences en termes de droits humains en établissant un précédent très dangereux pour la protection de toutes les personnes qui publient des informations classées secrètes dans l’intérêt public et dans ce cas-ci, lorsqu’il y a lieu de publier des informations sur de graves crimes de guerre.

C’est pourquoi j’ai interrogé la Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, en lui demandant :

  • Comment la Belgique avait interpellé ou allait interpeller le gouvernement du Royaume-Uni et/ou des États-Unis sur les conditions de détention et le risque d’extradition de Julian Assange, en violation de l’article 3 de la CEDH ?
  • La Belgique a-t-elle entrepris des démarches, par exemple au Conseil de l’Europe puisqu’on parle ici de la Convention européenne des droits de l’homme et on sait que le Royaume-Uni en reste membre ?
  • Troisièmement, la Belgique pourrait-elle intervenir pour sortir Julian Assange de l’isolement et le faire placer d’urgence dans un établissement hospitalier pour y être soigné ?

Dans sa réponse, la Ministre indique notamment que, depuis la dernière fois que le sujet a été abordé en Commission des Relations extérieures, soit en décembre dernier, “la position de la Belgique n’a pas beaucoup évolué. Depuis lors pourtant, le tribunal de première instance de Londres a décidé, début janvier, de ne pas approuver l’extradition de M. Assange vers les États-Unis en raison de son état de santé. Les procureurs américains peuvent faire appel de cette décision devant la Cour.”

Cette décision judiciaire est donc fondée sur l’état de santé de Julian Assange, mais pas tellement sur le risque d’extradition proprement dit. C’est ce qui nous inquiète car il s’agit d’un précédent potentiel en matière d’atteinte aux droits et aux libertés de la presse.

Or, comme la Ministre le rappelle par ailleurs dans sa réponse, on sait à quel point la liberté de la presse est une valeur chère à la Belgique depuis ses débuts et d’ailleurs bien ancrée dans notre constitution. Aujourd’hui, force est de constater que la détention en isolement de Julian Assange est assimilée à un acte de torture. Je crois donc qu’il serait judicieux d’exprimer les craintes de la Belgique, surtout eu égard au précédent que cela représenterait.

Je pense qu’en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant un tel risque d’atteinte majeure aux libertés fondamentales des journalistes et lanceurs d’alertes.