Sanctions sur les importations de pétrole russe : un accord tardif et incomplet

Ce mercredi 1er juin, au lendemain de l’accord conclu entre dirigeants européens afin d’imposer des sanctions sur les importations de pétrole russe, j’interpellais le Premier Ministre, Alexander De Croo sur une série de points… Car bien que les écologistes saluent ce compromis, il nous semble aussi tardif qu’incomplet.

Monsieur le Premier Ministre,

Hier les dirigeants européens ont enfin conclu un accord politique visant à imposer des sanctions sur les importations de pétrole russe, qui couvrirait plus de 2/3 de celles-ci, après des semaines de négociations qui paraissent des éternités alors que des civils innocents se font bombarder.

Cet accord à l’arrachée devrait tout de même couvrir à terme 90 % des importations de pétrole russe en Europe, on peut donc saluer cet accord qui coupe une énorme source de financement de la machine de guerre de Poutine. Je veux le rappeler : personne ne veut d’une guerre avec la Russie. En revanche, nous avons les moyens ici et maintenant d’assécher la machine de guerre du Kremlin financée par les énergies fossiles.

1. Cependant, le compromis est incomplet : l’embargo reste partiel dans un premier temps, le pétrole acheminé par oléoduc n’étant pas visé. Ces 10 % restants sont le résultat d’un chantage réussi du Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui empêche l’UE d’imposer un embargo complet. Je veux le dénoncer. L’unité de l’UE dans cette guerre est essentielle, mais cette unité ne peut se faire au détriment de l’État de droit et de la promotion du droit international humanitaire.

  • Le Conseil européen a annoncé qu’il reviendrait « au plus vite » sur l’exemption des 10 % restants pour la Hongrie, la Slovaquie et la République Tchèque. Quand ces exemptions devraient-elles être discutées ? Quand peut-on espérer un embargo réellement complet sur les importations de pétrole russe en Europe ?
  • Quels gardes-fous ont-ils été mis en place afin d’assurer que les pays concernés par ces exemptions n’utilisent le pétrole russe que pour leur propre consommation, et ne tirent un bénéfice de ces exemptions, créant de facto un terrain de jeu inégal sur le marché intérieur européen ?

2. Si le compromis européen est incomplet en ce qui concerne le pétrole, les sanctions européennes sont également incomplètes voire inexistantes en ce qui concerne d’autres énergies fossiles, malgré une volonté affichée de cesser la dépendance européenne aux énergies fossiles russes :

  • Des mesures sont-elles envisagées par l’UE afin de faire en sorte que la Russe ait du mal à vendre son pétrole sur d’autres marchés, notamment en Chine?
  • Quel est l’état d’avancement des discussions concernant un embargo européen sur les autres énergies fossiles en provenance de Russie, tel que le gaz (à plus moyen terme) ? Le projet Nord Stream II est par exemple uniquement suspendu à ce stade. Pourrait-il être définitivement annulé prochainement ?

3. On sait que 42 % de l’uranium brut qui approvisionne les réacteurs nucléaires européens est extrait dans la sphère géopolitique d’influence russe. Pourtant, et malgré les appels répétés du Parlement européen, l’uranium est systématiquement et explicitement exclu des paquets de sanctions de l’UE.

  • Pourquoi l’énergie nucléaire n’est-elle pas concernée par les sanctions européennes? La dépendance de l’UE à l’uranium russe pourrait-elle être abordée lors des négociations du prochain paquet de sanctions ?
  • C’est l’entreprise d’État russe Rosatom qui livre la plupart de cet uranium russe à l’UE. Rosatom est cependant aussi responsable du développement des armes nucléaires russes pour le compte du Ministère de la Défense du Kremlin. Pourtant, alors que ce sixième paquet de sanctions inclut des sanctions à l’encontre de nouvelles entreprises (banques, radios) et individus, toujours pas de trace de Rosatom sur la « blacklist » de l’UE. Pourquoi Rosatom n’est-il pas concerné par les sanctions européennes? L’inscription de Rosatom sur la blacklist de l’UE est-elle envisageable ? Si oui, quand ?
  • Gazprom vient de suspendre ses livraisons de gaz russe aux Pays-Bas, qui a, à l’instar d’autres pays, refusé de payer son gaz en roubles. Qu’en est-il de la Belgique ? La Belgique a-t-elle réglé le gaz russe en roubles ?

4. Juste après l’annonce de cet accord, les prix du baril du pétrole ont déjà commencé à s’envoler. Alors que de nombreux citoyens souffrent déjà des drastiques augmentations des prix de l’énergie, il est urgent de freiner le coût social de ces sanctions pour nos concitoyens.

Et j’avoue que je ne retrouve pas dans les conclusions du Conseil l’attention aux plus démunis, aux travailleurs en situations financières difficiles qui s’inquiètent de comment payer leurs factures. Ils doivent être aidés !

  • Que va mettre en place le Gouvernement pour protéger les plus faibles revenus contre la hausse des prix en cascade ?
  • Le principe du cliquet inversé pourrait-il enfin être enclenché ?
  • La Commission européenne pourrait-elle de son côté baisser le plancher des accises ?

5. Au-delà des sanctions, la Russie devra également répondre de ses actes devant la justice, nationale et internationale. Le parquet national antiterroriste français notamment a annoncé lundi l’ouverture d’une enquête pour crimes de guerre après la mort d’un journaliste français de BFMTV, tué alors qu’il accompagnait des civils à bord d’un bus humanitaire.

  • En Belgique, le parquet fédéral s’était dit prêt à ouvrir une enquête si une plainte venait à être déposée. Des plaintes ont-elles été déposées en Belgique pour crimes de guerre en Ukraine?
  • L’équipe de la “Disaster Victim Identification” (Identification des victimes -DVI) a-t-elle finalement pu être envoyée en Ukraine ?

6. Par ailleurs, la Commission européenne a récemment présenté des propositions législatives pour faciliter une confiscation des avoirs d’oligarques russes sur liste noire, dont l’argent confisqué serait versé “sur un fonds commun pour aider l’Ukraine”.

  • La Belgique est-elle en faveur de ce mécanisme ?
  • Dans ce contexte, les fonds confisqués des oligarques russes sanctionnés pourraient-ils également contribuer à des investissements en énergie renouvelable, en Ukraine mais également en UE ?

En conclusion, nous soutenons mais tout le monde doit être embarqué dans la transition énergétique !