[Guerre en Ukraine, jour 7] Le peuple ukrainien nous donne une leçon de courage

Monsieur le Premier ministre,

Madame la Vice-Première,

Mesdames les Ministres,

Monsieur le Secrétaire d’État,

Nous sommes le 7ème jour de l’invasion russe.

Des jours particulièrement sombres attendent encore le peuple ukrainien. Nous pensons d’abord à elles et eux.

Évidemment, le géant militaire russe va gagner des batailles et conquérir des terres, mais une chose est d’ores et déjà certaine : mais ces soldats ne remporteront pas la guerre contre la démocratie qui fonde le socle de la révolution ukrainienne, mais aussi de l’Union européenne.

Vladimir Poutine aura beau intensifier ses frappes sanglantes, user de sous-munitions et de bombes thermobariques, cibler des quartiers résidentiels ou même des hôpitaux d’enfants comme à Grozny ou à Alep, il n’en restera pas moins aux yeux des Ukrainiens – et pour des générations – un tyran, un envahisseur et un criminel de guerre.

Poutine ne s’attendait sûrement pas à un autre effet, inattendu celui-là, de son agression brutale, non provoquée, contre l’Ukraine : il ne s’attendait certainement pas à une telle résistance de ceux dont il niait hier encore l’existence.

Nous avons toutes et tous vu ces images du peuple ukrainien :

– Les soldats de l’Île des serpents qui ont dit à un navire russe d’aller se “faire foutre”.

– Les civils ukraniens qui ont essayé d’arrêter les chars russes à mains nues en se tenant debout en travers de leur route.

=> Comme on se souvient de Tien An Men, on se souviendra très longtemps de la résistance ukrainienne.

Mais je pense aussi à ces milliers de citoyens russes qui ont bravé l’interdiction de manifester dans des dizaines de villes de Russie pour dire « non » à cette guerre incensée, et dont nombre d’entre eux croupissent aujourd’hui dans les geôles.

Je pense enfin aussi à ces exilés bélarusses en Ukraine qui s’engagent dans la défense des villes contre l’occupant russe, malgré la méfiance des populations locales depuis l’implication de Minsk dans la guerre.

Les Ukrainiens, les Russes et les Bélarusses qui se sont levé nous ont donné une leçon de courage et de détermination. Ils me font penser à ce qu’écrivait Mandela dans son autobiographie « Un long chemin vers la liberté » : « Peut-être faut-il ces abîmes d’oppression pour créer une telle grandeur de caractère ? »

En tous cas, cette grandeur de caractère a réveillé l’ensemble du continent européen et des démocrates que nous sommes.

Certains disaient l’Union européenne en léthargie ? Eh bien, nous n’aurons jamais vu une Europe aussi unie et déterminée, du Nord au Sud, d’Est à l’Ouest !

Certains croyaient l’Union européenne limitée à une zone de libre-échange ? En vérité, c’est la défense de la démocratie et de la dignité humaine qui prime aujourd’hui.

Et cette Europe si honteusement tiraillée sur les migrations dit enfin, haut et fort, aux Ukrainiennes et Ukrainiens : « bienvenue chez nous » ! Et nous offrons ainsi la gratuité des voyages en train aux réfugiés ukrainiens chez nous en Belgique.

Je suis fier de cette Europe unie, généreuse et solidaire qui construit des ponts quand d’autres les détruisent.

Les députés de tous les groupes politiques ont aussi demandé hier au Parlement européen :

– l’exclusion de la Russie et de la Biélorussie du système SWIFT (stratégie d’isolement),

– et la réduction de la dépendance des États membres au gaz, à l’uranium et au pétrole russes.

L’Union européenne ne peut pas permettre à un dirigeant despotique d’utiliser notre approvisionnement énergétique comme une arme stratégique. La politique énergétique est une politique de sécurité. Nous devons mettre fin à notre dépendance à l’égard de la Russie et des combustibles fossiles le plus rapidement possible et investir dans une expansion massive des énergies renouvelables.

Parce que nous ne sommes plus seulement écologistes (ou socialistes, ou libéraux, ou chrétiens démocrates) aujourd’hui. En pareilles circonstances, je pense que nous pouvons laisser nos polémiques belges de côté. Nous sommes Européens. Nous sommes même nombreuses, nombreux, à porter fièrement le drapeau ukrainien car nous admirons leur exemple, et nous affichons notre solidarité dans la défense de valeurs démocratiques communes.

J’en viens à mes questions sur votre action gouvernementale :

– Quelles sont les dernières nouvelles des initiatives diplomatiques, que ce soit à l’Assemblée générale des Nations unies à New York aujourd’hui ou au Conseil des droits de l’homme à Genève demain ? Que pouvons-nous encore attendre du Conseil de Sécurité ? La priorité absolue doit être à l’appel au cessez-le-feu.

– Quelles sont aujourd’hui les perspectives en matière d’ouverture de « couloirs humanitaires et logistiques sûrs » pour acheminer le matériel médical de soins des agences humaines (comme l’OMS), y compris à l’Est, pour sauver des vies ? Il est impératif que le matériel médical pouvant sauver des vies – y compris de l’oxygène – puisse atteindre ceux qui en ont besoin en Ukraine.

– Comment stopper la coopération nucléaire avec la Russie ? Je pense à Rosatom et ses entités comme Tenex (qui avait chez nous un contrat avec Synatom depuis 1975) ? De même que la fin des licences software pour les équipements militaires (par exemple de navigation) en Russie et Bélarus ?

– L’armée russe occupe Tchernobyl et, depuis aujourd’hui, la plus grande centrale nucléaire d’Europe à Zaporizja. Quelles sont les garanties en matière de sûreté nucléaire et quelles sont les directives de l’AIEA face à l’occupation russe de ces installations nucléaires particulièrement sensibles ?

– Enfin, même la guerre connaît des règles. Nous avons appris hier que la Cour pénale internationale va ouvrir une enquête pour “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanité” en Ukraine. Je sais à quel point la Belgique est engagée à La Haye : comment notre pays va-t-il cette fois soutenir la justice internationale pour que les crimes de Poutine ne restent impunis ? Si la Belgique et d’autres États soutiennent cette demande au Procureur d’ouvrer une enquête, il n’y aura pas besoin pour le procureur d’obtenir la permission d’une chambre préliminaire et nous gagnerons donc un temps précieux.

En conclusion, je voudrais remercier le gouvernement d’associer le Parlement en ces jours sombres. Et surtout, merci à tous nos diplomates, militaires, fonctionnaires pour leur incroyable service sur le terrain.

Encore une fois, vous pourrez compter sur le soutien résolu des écologistes pour soutenir le peuple ukrainien et mettre un terme à cette horrible guerre.

Car quand nous voyons les images de ces enfants déchirés qui pleurent car ils risquent de ne plus jamais revoir leurs papas, de ces civils innocents bombardés, la question qui résume toutes les autres, celle que nous devons collectivement nous poser comme responsables politiques, même à notre petit niveau, en Belgique, ici à la Chambre des représentants, est de savoir si nous en faisons vraiment assez pour stopper la tyrannie et faire taire les armes… ? Jamais nous ne les lâcherons.