Je reviens d’une mission de 5 jours à Taïwan du 24 au 28 novembre 2019, en compagnie de 5 autres parlementaires belges. Il me tient donc à coeur de vous livrer ici mes impressions sur cette mission et toutes mes rencontres.
Cette mission s’inscrivait dans un contexte géopolitique particulièrement sensible, pour au moins deux raisons. D’abord, comme le Ministre belge des Affaires étrangères le concédait dans sa réponse à ma question écrite n°53 à la Chambre, Taïwan a « perdu cette année plusieurs de ses alliés dipomatiques, Kiribati étant le dernier, deux jours à peine après la fin des relations diplomatiques entre Taïwan et les Iles Salomon. » Et comme le dit encore le Ministre, « La Belgique respecte et applique la Politique de la Chine Unique. Notre pays ne reconnaît pas Taïwan en tant qu’Etat souverain et n’utilise pas la dénomination ‘République de Chine’. Cela dit, la Belgique entretient des relations de travail techniques et entre administrations avec Taïwan. Elle contribue par cette voie à la mise en œuvre de la résolution sur les relations entre la Belgique et Taïwan votée en 2015. Taïwan représente pour notre pays un partenaire non négligeable sur le plan économique ; sa société véhicule certaines valeurs proches des nôtres ; les échanges sur le plan académique et culturel sont multiples et fructueux. »
Ensuite, se tenait durant cette semaine de novembre des élections locales importantes à Hong Kong, à 1 heure d’avion de Taïwan. Après six mois d’intense contestation politique, cette semaine a donc connu l’écrasante victoire du camp pro-démocratie dans les urnes à Hong Kong. L’university polytechnique y était aussi occupée depuis plus de deux semaines. Cependant, Pékin et l’exécutif local refusent toute nouvelle concession et prouvent aux yeux des Taïwanais que le principe « un pays, deux systèmes » n’est pas viable.
Bref, dès notre arrivée à Taïwan, j’ai compris que la Chine et Hong Kong seraient sur toutes les lèvres de nos interlocuteurs. À côté du programme officiel, j’ai ainsi demandé de rencontrer deux personnes en particulier: Lam Wing-kee et l’épouse de Lee Ming-cheh. Mr. Lam est un libraire de 64 ans de Hong Kong, en exil à Taïwan après avoir été détenu en Chine pour avoir vendu des livres critiques du régime. Forcé de faire des aveux en direct à la TV en Chine, il a finalement pu être libéré. Quand il a fui à Taïwan, il a récolté 90.000€ en crowdfunding en un jour pour rouvrir sa librairie en plein cœur de Taipei !
Mr. Lee, lui, est Taïwanais et y militait pour les droits de l’homme dans une association. Cependant, accusé de subversion par Pékin, il a été arrêté lors d’un voyage en Chine continentale et condamné à cinq lourdes années de prison. Il partageait en effet ses idées et des livres sur la démocratie et les libertés fondamentales avec des citoyens chinois… Nous avons pu rencontrer son épouse à Taipei qui va régulièrement lui rendre visite en prison. Elle témoigne des mauvais traitements subis par son mari en prison en Chine. Les combats de ces militants pour la démocratie forcent le respect et l’admiration.
Parmi mes autres demandes particulières (je suis tellement reconnaissant envers le Ministère des Affaires étrangères de Taïwan d’avoir pu toutes les accommoder), j’ai pu rencontrer les responsables des deux partis verts taïwanais (hé oui, ils sont deux ici!). Le plus gros des deux est le Parti vert de Taïwan (mais toujours pas au-dessus des 3 %) ! J’étais heureux de me sentir si proche de mes valeurs à des milliers de kilomètres de la Belgique. D’abord avec le professeur Kao, connu pour avoir navigué seul en mer en 1997 en pleine crise des missiles devant les navires de guerre chinois pour exiger la paix pour Taïwan. Ensuite, Zoe Lee, jeune avocate pour la dépénalisation du cannabis médical (le nom de son cabinet est juste génial : “Better call Zoe”, comme dans la série Netflix “Breaking Bad”)… alors que la simple détention est ici encore punie. Il y avait aussi la première élue taïwanaise avec un handicap et meilleure clarinettiste du pays (poke mon papa). Sans oublier Zukkim Zong, militante des droits LGBTQ+ fière de présenter son parti comme étant le plus progressiste de toute l’Asie. Le lendemain, j’ai pu rencontrer les chefs du Trees Party (Parti des Arbres) plus radical que le premier sur les enjeux environnementaux. Nous avons mangé ensemble dans un restaurant vegan de Taipei ouvert par l’un de leurs militants et ils m’ont offert une belle banderole de leur parti que j’affiche maintenant fièrement en souvenir dans mon bureau à la Chambre à Bruxelles.
Au registre des rencontres officielles, j’étais heureux de pouvoir échanger avec le Vice-Président, le Président de l’assemblée parlementaire (Yuan), ou encore le Vice-Ministre des Affaires étrangères… Un des thèmes récurrents était… la sortie du nucléaire en 2025. Comme chez nous, en Belgique ! J’ai fait d’énormes yeux en découvrant le volontarisme politique affiché par les différents membres du gouvernement taïwanais quand il s’agissait de justifier cette sortie. En effet, l’île n’est pas très loin du Japon, et ils ont vécu l’accident de Fukushima de manière plus proche que nous en Belgique. L’île se trouve aussi sur une plaque sismique et doit aussi faire face à des tsunamis. Bref, le gouvernement là-bas ne tergiverse pas et investit massivement dans les énergies renouvelables. L’éolien offshore est l’un des principaux piliers de ce shift, et devinez qui jouent les premiers rôles dans la construction d’éoliennes en mer ? Des entreprises belges – que nous avons également rencontrées !
Je suis donc rentré de Taïwan avec plus de questions encore sur le respect des droits humains en Chine, et plus convaincu que jamais que la transition énergétique vers le 0 carbone est possible et nécessaire.
- Même si cette solution n’est pas optimale, je suis conscient de mon empreinte carbone et j’ai donc compensé le double de ma mission dans un projet de reforestation et de fourniture d’eau potable en Ouganda via GreenTripper.