Ce mercredi 24 février, j’ai profité de la venue du Premier ministre à la Chambre pour lui relayer la Carte blanche co-écrite par Philippe Lamberts et Séverine de Laveleye, dans Le Vif, “Ira-t-on jusqu’à breveter le soleil? De l’urgence d’un vaccin accessible à tous“.
Le prochain Conseil européen (jeudi 25 et vendredi 26 février) sera déterminant pour la stratégie de vaccination contre la pandémie de COVID-19 :
- l’autorisation
- augmenter la capacité de production
- la distribution des vaccins
J’ai longtemps travaillé dans la recherche académique à la KU Leuven sur les notions de biens publics mondiaux et de biens communs. Je n’ai jamais trouvé un aussi bon exemple de ce que doit être un bien public mondial.
Je pense donc que l’enjeu reste bien la mise à disposition publique des données liées aux vaccins, pour plusieurs raisons :
1) Ce vaccin doit changer la vie de milliards de personnes ! C’est le seul remède connu à cette maladie. Il serait injuste de continuer à considérer les vaccins contre la COVID-19 comme des biens exclusivement privés appartenant à une poignée de laboratoires pharmaceutiques, dans le but de respecter les sacro-saints droits de propriété intellectuelle.
C’est pourtant la situation aujourd’hui : quelques laboratoires pharmaceutiques décident quand, qui, et pour combien vous recevrez le vaccin.
C’est le plus offrant qui gagne. En septembre dernier déjà, Oxfam alertait que plus de la moitié des doses prévues en 2021 avaient été réservées par une poignée de pays riches représentant à peine 14% de la population mondiale.
La loi de l’offre et de la demande n’est moralement plus acceptable dans ce contexte de crise. La santé doit passer avant tout.
Dans l’esprit de la réflexion de Léon Duguit, le droit de la propriété doit avoir une fonction sociale ! Et ici cette propriété exclusive pourrait coûter la vie de millions d’êtres humains. Je pense donc que le vaccin doit avoir une vocation universelle. Il est urgent que le brevet appartienne à l’humanité entière.
2) Même dans une approche purement égoïste… Stop à la gue-guerre. Nous avons tous un intérêt personnel à ce que tout le monde se fasse vacciner ! Une approche solidaire globale ne serait pourtant pas un acte de charité. Plus on tarde à immuniser les populations des pays défavorisés, plus on court le risque de voir apparaître une nouvelle variante du virus contre laquelle les vaccins actuels pourraient être moins efficaces. Un îlot européen d’immunité collective ne servira à rien si le virus continue à circuler – et donc potentiellement de muter – ailleurs dans le monde.
3) Le risque de développer le vaccin n’est pas purement privé ! Le géant Pfizer – dont le partenaire BioNTech a bénéficié d’une aide de 445 millions d’euros du gouvernement Allemand et de 30 millions d’euros de l’UE – mise cette année sur un bénéfice de 5 milliards d’euros sur la vente de son vaccin.
=> Des moyens juridiques existent ! Les licences obligatoires ou licences d’office pour les brevets de vaccins doivent permettre aux laboratoires qui n’en détiennent pas de les produire quand même et d’ainsi décupler la production.
** Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits humains a déjà exprimé son soutien à l’idée de licence obligatoire en novembre 2020.
** Cette assemblée, la Chambre, a voté une résolution de Laurence Hennuy et Barbara Creemers pour la mise en commun des vaccins.
Allez-vous demander que la Commission renégocie les contrats avec les sociétés pharmaceutiques pour :
- faire toute la transparence (Je vous remercie!)
- contraindre ces entreprises à mettre en commun leurs brevets ?
Aujourd’hui, d’autant plus d’actualité que des vaccins deuxième génération sont en route et que la commission veut accélérer le processus : est-ce qu’on va financer les firmes pharmaceutiques ? C’est le moment de négocier en amont les conditions de production et de diffusion.
=> Les dirigeants débattront des moyens de renforcer la solidarité internationale et la future coopération internationale en matière de santé.
– La Ministre Kitir a annoncé en commission il y a deux semaines qu’elle faisait un plaidoyer pour un assouplissement de l’attitude de l’UE quant aux règles relatives à la propriété intellectuelle applicables aux vaccins anti-covid. C’est un bon signal de la Belgique. Où en sommes-nous?
– L’OMC avait une réunion de travail hier justement sur la fameuse demande de « dérogation ». Une réponse devrait arriver le 10 mars. Une centaine de pays à revenus faibles ou intermédiaires, menés par l’Inde et l’Afrique du Sud, dénoncent une inégalité d’accès à des vaccins et médicaments de qualité, sûrs, efficaces et abordables. Ils réclament, pour y palier, une dérogation des dispositions relatives à la propriété intellectuelle de l’Accord sur les ADPIC. Leur demande est pour l’instant rejetée par le Brésil, le Canada, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, mais aussi par l’Union européenne, sous prétexte que les flexibilités déjà prévues dans les règles de la propriété intellectuelle sont suffisantes pour permettre l’utilisation de licences obligatoires dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.
Quelle position la Belgique a-t-elle tenue au sein de l’OMC ?
Est-ce que l’Union européenne continue à mettre son véto sur la dérogation temporaire proposée à l’OMC ?
+ Retrouvez l’échange complet avec le Premier ministre à partir de 47 minutes et 27 secondes