Depuis des années, des articles de presses et diverses autres sources font état d’espionnages, menaces, intimidations, hacking et assassinats commis par les services de renseignement rwandais à l’encontre d’opposants politiques et journalistes à travers le monde – y compris en Belgique. Mais l’information était toujours donnée au conditionnel.
Après plusieurs mois d’entretiens avec des victimes, diplomates et journalistes, je suis parvenu à accumuler les doutes sur les ingérences des espions rwandais sur notre territoire.
+ Lien vers l’article du Soir : “La Belgique, terrain de jeu des espions rwandais“
Le 07 août 2019, l’ancien journaliste de la VRT, Peter Verlinden, adresse un courrier aux ministres Didier Reynders, Alexender De Croo, Maggie De Block et Koen Geens. Objet de ce courrier : l’ancien journaliste et son épouse, déjà menacés par le passé suite à la parution d’un livre, feraient l’objet de nouvelles menaces. Ces menaces, d’où viennent-elles ? Du régime rwandais.
En effet, et de source sûre, le journaliste dénonce l’arrivée d’un nouveau diplomate à l’ambassade rwandaise à qui l’on aurait confié la mission d’enquêter sur son épouse, Marie Bamutese, d’origine rwandaise et disposant d’un asile politique en Belgique depuis 1999.
Cette information concorde avec une série d’intimidations et de messages d’insultes publiés à leur encontre depuis plus d’un an sur les réseaux sociaux par des sympathisants du Front patriotique rwandais (FPR).
Le 16 septembre 2019, le ministre Geens assure avoir pris connaissance de la plainte déposée par le journaliste et son épouse, actuellement suivie par le parquet fédéral. Il renvoie le journaliste à la réponse formulée deux semaines plus tôt par Didier Reynders, dans laquelle celui-ci dit se montrer particulièrement exigeant en ce qui concerne le respect des principes de la Convention de Vienne dans notre pays. Il affirme par ailleurs suivre de près la situation des Droits de l’Homme, des libertés civiles et politiques au Rwanda.
Malheureusement, la réponse ne fait aucunement mention à d’éventuelles actions concrètes envisagées par le SPF affaires étrangères à l’encontre de l’ambassade rwandaise.
Le 16 octobre 2019, en réponse à des questions jointes des députés Ecolo Cécile Thibaut et Samuel Cogolati en Commission Justice de la Chambre, le ministre Koen Geens confirme que « les services de renseignement rwandais sont actifs sur notre territoire ». Selon le ministre, les services de renseignement rwandais « tentent principalement d’affaiblir ce qui est perçu comme une menace politique potentielle émanant de l’opposition rwandaise en Belgique ».
C’est la première fois que le gouvernement fédéral reconnaît les activités des services de renseignement rwandais en Belgique. Jusqu’alors, le Vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, avait toujours nié les intimidations d’opposants rwandais sur notre territoire.
Or, en fouillant, il est clair depuis au moins 2014, que les autorités belges sont informées que le Rwanda surveille, traque, harcèle, voire tue ses critiques à l’étranger, jusqu’ici en Belgique. Ces « critiques » sont issus de 4 groupes : (1) les responsables du génocide, (2) des membres de l’opposition démocratique, (3) des personnalités du FPR qui ont rompu avec Kagame, et (4) des journalistes étrangers.
Aujourd’hui, Ecolo se montre particulièrement inquiet par rapport à ces signaux convergents quant à une immixtion des services secrets rwandais sur notre territoire et estime que les autorités publiques, à commencer par le ministre des Affaires étrangères encore en fonction, ne peuvent rester les bras croisés par rapport à ceux-ci.
Il ne s’agit pas, en tant que Belgique, de s’immiscer dans des questions internes à l’Etat rwandais, ni de quelconque autre Etat, mais de s’assurer du respect, sur son territoire, de la législation mais aussi et surtout du principe de sécurité et de quiétude des personnes qui y séjournent, quelle que soit leur nationalité. Ce qui vaut par rapport à toute puissance étrangère doit valoir également à l’égard du Rwanda.