Le mercredi 16 décembre, dans le prolongement de la publication d’un rapport de la Commission européenne sur l’Etat de droit au sein de l’Union européenne, j’ai interpellé le Commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, sur la menace que des pays tels que la Pologne et la Hongrie font peser sur le respect de l’Etat de droit.
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S’il y a bien un socle commun qui doit nous unir malgré nos différences, c’est le respect des libertés fondamentales et des droits humains.
C’est pourquoi le rapport annuel de la Commission européenne sur l’État de droit représente un pas dans la bonne direction.
J’aimerais me concentrer principalement sur 3 messages :
- Le champs d’application du rapport
- Le monitoring et les aspects contraignants pour mettre en œuvre le rapport
- La Belgique
1. Le champs d’application
Le rapport est important parce qu’il parle ouvertement, sans tabou, de lutte contre la corruption et des libertés de la presse. Il parle aussi des restrictions inacceptables à Malte, en Hongrie, ou en Pologne.
Mais il parle beaucoup moins de la liberté d’association, syndicale et les droits des groupes les plus vulnérables, comme les romes ou les personnes LGBTQ.
Or, les droits des LGBTQ sont aujourd’hui en grave danger au sein de l’Union européenne.
Je pense en particulier à la Pologne et à la Hongrie. Leurs politiques migratoires, anti-avortement, anti-presse, anti LGBTQ doivent être remises en cause par l’Union européenne !
Plus tôt cette année, la Hongrie a privé les personnes transsexuelles de la possibilité de modifier leur nom et leur marqueur de genre à l’état civil.
Depuis hier, en Hongrie, les enfants LGBTI seront forcés à grandir dans un environnement les empêchant d’exprimer leur identité, et des enfants partout en Hongrie seront privés de familles sûres et aimantes, car l’adoption sera réservée aux couples hétérosexuels mariés.
Aucune action déterminante et concrète n’a été prise alors que, depuis dix ans, les reculs sur l’État de droit, la liberté de la presse et les droits fondamentaux sont immenses en Hongrie !
2. Monitoring et aspects contraignants pour mettre en oeuvre le rapport
Le rapport n’est intéressant que s’il est suivi de monitoring et d’actions contraignantes pour les États membres qui contreviennent à l’État de droit.
Des observations générales ne sont pas vraiment utiles. Ce qu’il faut, ce sont des cibles claires, qui, si elles ne sont pas atteintes pour des dates précises, sont assorties de sanctions potentielles.
Je vois au moins 3 pistes :
A) il y a un vrai problème dans l’application de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne. On se demande où en est la Commission dans les procédures ! Le Parlement européen a déjà activé la procédure dans le cadre de l’article 7 mais où en sont les sanctions ?
Si l’Union européenne veut réellement se pencher sérieusement sur la question de l’État de droit, il faut que le Conseil agisse. Les gouvernements européens se sont, jusqu’ici, dérobés à leur responsabilité d’agir dans les procédures en cours contre les gouvernements hongrois et polonais. À moins que nous trouvions un moyen de contrer les tactiques intolérables de ceux qui cherchent à miner l’État de droit, nous pourrions être les témoins de la fin de la démocratie dans plusieurs pays de l’Union européenne.
B) Un mécanisme lie maintenant le versement des fonds européens au respect de l’État de droit. Comment l’appliquer en Hongrie et en Pologne ?
C) Je sais que le Parlement européen a adopté en octobre une résolution pour établir un Mécanisme européen sur la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. Quelle suite sera réservée à ce projet ?
3. La Belgique
Sur la Belgique, je retiens par contre l’absence de protection globale sur les lanceurs d’alerte. À quelques jours du verdict à Londres sur Julian Assange, j’aimerais rappeler qu’une Directive européenne a été votée, adoptée au niveau européen, justement à l’initiative des Verts il y a déjà quelques années. Et j’encourage le gouvernement fédéral à la transposer en droit belge, de manière la plus large possible, pas seulement concernant le droit de l’Union mais aussi le droit belge !
Néanmoins, je dois vous avouer ne rien voir figurer dans votre rapport sur la Belgique sur les affaires Mehdi, Mawda et Adil. Je comprends que le rapport ne se concentre pas sur des cas individuels, mais ceux-ci sont particulièrement emblématiques de dysfonctionnements plutôt structurels : techniques utilisées, opérations prioritaires, disparitions d’images et de preuves mettant en cause les forces de police, instructions bâclées, coalition de fonctionnaires.
Les responsabilités politiques doivent être là aussi mises en lumière pour mettre fin à l’impunité.
Il n’y a pas de baguette magique pour restaurer l’État de droit, mais il y a un certain nombre d’instruments complémentaires qui ne demandent qu’à être pleinement utilisés. Tant le Conseil que la Commission doivent avoir le courage politique de le faire.
De la réponse (très précise) de Didier Reynders, je retiens notamment son ouverture à lutter contre les violences policières, et donc à étendre votre rapport aux services de police. L’immense majorité des policiers fait bien son job. Mais certains comportements salissent l’uniforme.
Et puis, un autre point, que nous n’avons pas abordé, et qui tient à coeur à ma collègue sénatrice, Hélène Ryckmans, qui a suivi les échanges : la protection des droits humains dans le cadre des traités d’investissement et de libre-échange.
C’est un chantier important : la due diligence, directive européenne sur les entreprises et droits humains, le Parlement vient de voter une résolution pour soutenir votre initiative, et nous vous soutiendrons dans cette voie.