+ LIRE AUSSI | Article paru dans la DH
À première vue, ce sont de simples écoles de langue chinoise. Souvent logés au cœur même des universités belges, ces « Instituts Confucius » semblent complètement inoffensifs et plutôt séduisants. Mais à y regarder de plus près, il s’agit en réalité d’outils d’influence politique et même parfois d’espionnage, payés par et pour le régime de Xi Jinping.
Ces mécanismes insidieux sont mal connus du grand public, et pourtant, ils sont bel et bien actifs aussi chez nous. En Belgique, en réponse à plusieurs questions parlementaires, la Sûreté de l’État alerte sur le rôle des Instituts Confucius comme « vecteur de la propagande » et « de l’ingérence chinoise » dans nos universités. L’Université de Liège, informée dès 2020 des risques engendrés en son sein, a décidé de fermer son Institut Confucius fin décembre 2023. Mais attention : il en reste un à Bruxelles, un à Leuven et encore un à Bruges.
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CONTEXTE
Les Instituts Confucius sont implantés par le Parti Communiste Chinois (PCC) dans le monde entier à partir de 2004 pour dispenser des cours de culture et langue chinoises. Ils servent d’instrument de soft power afin d’étendre l’influence du parti à travers le monde et d’adoucir l’image de la Chine. Fin 2019, il y avait 548 Instituts actifs dans 140 pays.
Même en Belgique, ces centres ont l’interdiction d’aborder les sujets qui fâchent le régime : le Tibet, Taïwan, le Dalaï-lama, Hong Kong, les religions ou la franc-maçonnerie. Le libre-échange des idées se voit ainsi fortement restreint, y compris dans les démocraties européennes. En raison de cette publicité négative, Pékin crée l’ONG « Chinese International Education Foundation » pour gérer ces Instituts.
En Belgique, plusieurs centres sont fermés en raison de leur rôle dans la propagande, l’espionnage et la surveillance d’opposants pour le compte du régime de Pékin :
– en décembre 2019, la VUB cesse sa coopération avec l’Institut Confucius suite à l’exclusion par la Sûreté de l’État du directeur, Xinning Song,
– toujours en décembre 2019, l’ULB décide également de ne pas renouveler sa convention avec l’Institut Confucius,
– en juin 2023, l’ULiège annonce la fermeture de son Institut Confucius (ouvert en 2006) d’ici la fin de l’année.
TROIS RISQUES MAJEURS POUR LA BELGIQUE
1. Des étudiants et chercheurs « espions » dans nos universités
Les menace d’espionnage, d’ingérence et de prolifération pour nos universités belges est confirmée par la Sûreté de l’État qui « porte une attention particulière à l’abus de l’utilisation de la fonction d’académique par des personnes liées à des services de renseignement étrangers ou au secteur militaire ».
Le Ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, a déjà confirmé que « Il y a une véritable politique de la part d’institutions scientifiques liées (directement ou indirectement) à l’appareil militaire chinois qui consiste à envoyer leurs étudiants et leurs chercheurs dans des institutions civiles en Occident, y compris la Belgique, pour y acquérir des connaissances technologiques. »
Afin de prévenir ces risques d’espionnage, il existe depuis janvier 2020 un contact systématique entre la Sûreté de l’État et l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) pour pouvoir s’assurer qu’un étudiant est bien inscrit dans un établissement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. En septembre 2022, un projet de protocole avait été rédigé à cette fin, mais les travaux étaient toujours en cours afin de s’assurer que celui-ci respecte bien la protection des données de l’étudiant.
2. Censure
Les Instituts Confucius restent liés à la Chine. Ainsi, il y a toujours un directeur envoyé de Chine à la tête de ces écoles en Belgique, aux ordres de Pékin.
Le vrai problème de fond des Instituts Confucius, c’est la censure qu’ils génèrent – non pas seulement en Chine, mais chez nous en Belgique et pour tout enseignant/chercheur belge qui souhaite y travailler. Ainsi, tous les sujets tabous (Tibet, Taïwan, Ouïghours, manifestations à Hong Kong, etc.) ne sont tout simplement pas abordés dans les cours. Pour pouvoir évoluer au sein de l’Institut, les travailleurs belges adoptent souvent l’autocensure (ce qui est contraire à la liberté académique normalement de vigueur chez nous).
De plus, les Instituts Confucius cherchent souvent à dispenser des cours du curriculum officiel de l’université et donc à influencer les activités universitaires belges.
3. Ingérence et propagande de Pékin
En réponse à nos questions parlementaires, la Sûreté de l’État nous apprend qu’elle avait informé l’Université de Liège dès 2020 « des risques liés à la présence d’un Institut Confucius en son sein » : à savoir, « un vecteur de propagande de la République populaire de Chine et également un vecteur potentiel de l’ingérence chinoise ».
Depuis 2022, il existe au niveau des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles un outil d’évaluation de ce type de partenariats avec des institutions étrangères, notamment sur base du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) ou encore sur la garantie des droits de propriété intellectuelle.
DÉFENDRE NOS LIBERTÉS ACADÉMIQUES ET SCIENTIFIQUES
Nous devons cesser d’être naïfs ! Les Instituts Confucius ne sont pas juste de sympathiques centres culturels qui enseignent les langues et la littérature de l’Empire du Milieu, comme l’on pourrait le croire à première vue. Non, la stratégie de ces Instituts Confucius consiste à amadouer, voire intimider et même parfois paralyser le monde universitaire pour empêcher sur notre territoire toute perspective en contradiction avec le discours officiel de Pékin. Il s’agit dès lors d’oser briser le tabou qui entoure ces écoles de langue chinoise pour préserver les libertés académiques de nos chercheurs et étudiants d’enseigner et d’étudier – en toute objectivité et indépendance – ce qui se passe en Chine aujourd’hui. Ce n’est ni à Pékin ni à aucun autre régime autoritaire de dicter ce que nos universités peuvent ou pas enseigner à nos étudiants. Nous plaidons pour l’apprentissage du chinois dans nos universités ! Mais nous devons rejeter avec force la manipulation du discours académique et de la recherche par des puissances étrangères qui mine nos démocraties de l’intérieur. Ce que nous voulons prévenir en Belgique, c’est l’interférence de Pékin dans nos cours.
Nous demandons de :
- fermer et prévenir l’inauguration de nouveaux Instituts Confucius en Belgique (notamment quand, comme en France, ils ne sont pas liés à un campus universitaire mais juste à une ville),
- maintenir, favoriser et investir dans la recherche ainsi que l’enseignement de la langue, culture, littérature chinoises de manière libre et indépendante (ce qui compte, c’est d’accumuler des connaissances sur la Chine au-delà de ce que le PCC veut bien nous dire),
- renforcer l’autonomie institutionnelle des universités belges dans les coopérations avec des partenaires étrangers issus de régimes autoritaires,
- créer un guichet unique belge de guidance proactive sur la sécurité des connaissances .