La Commission des provisions nucléaires joue un rôle de contrôle prudentiel primordial puisque c’est elle qui évalue l’existence, la suffisance et la disponibilité des fonds nécessaires.
1) L’urgence d’une réforme
C’est le fameux coût caché du nucléaire. La question du financement de la gestion des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales de Doel et de Tihange est un enjeu majeur pour les années à venir. Je pense sincèrement qu’il s’agit d’une des réformes les plus importantes dont cette Commission aura à débattre cette législature.
- L’ONDRAF avait déjà reconnu en 2018 avoir sous évalué le coût de la gestion de ces déchets. Pour les seuls déchets de haute activité et/ou longue durée de vie, la facture passait de 3,2 milliards à 10,7 milliards ! Aujourd’hui, on parle de 11,6 milliards pour les déchets radioactifs. Près de 4 fois le coût annoncé il y a à peine 4 ans… Or, le début du stockage des déchets commencera vers 2135 !
- Et au coût de la gestion des déchets s’ajoute également le coût du démantèlement des centrales nucléaires qui nécessitera également plusieurs milliards d’euros de financement. Nous dépassons aujourd’hui les 6 milliards.
Si l’on tient compte de l’inflation, le coût total des opérations atteint 41 milliards € à long terme !
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Mais aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a que 13,8 milliards € dans les comptes de Synatom.
Depuis des années, la Commission des provisions nucléaires (CPN) qui tire la sonnette d’alarme dans ses rapports annuels et demande de réviser la loi.
=> Nous ne pouvons donc que saluer votre initiative, Madame la Ministre, d’octroyer plus de garanties aux contribuables belges face au groupe français Engie, maison mère d’Electrabel.
2) Balises de sécurité
1. Obliger Engie à avoir des fonds propres dès à présent et en permanence au moins égaux à la hauteur du plus haut coût de démantèlement et de gestion des déchets radioactifs tels que calculés par la CPN ! Ce projet de loi doit empêcher Engie de vider sa filiale Electrabel de sa substance, pour devenir une coquille vide, et faire trinquer les contribuables belges…
2. comme le conseille la CPN dans son dernier rapport, mettre un terme à la possibilité pour Engie d’utiliser jusqu’à 75 % des provisions dans le financement de ses propres projets (les provisions sont aujourd’hui « prêtées» en interne dans le groupe aux exploitants nucléaires)… C’est le cas aujourd’hui pour 8,3 milliards d’euros reprêtés par Synatom. imaginez alors que Synatom ne soit jamais remboursée, et c’est de nouveau le contribuable belge qui trinque !
La loi prévoit à présent qu’Engie rembourse Synatom d’ici 2025. Il fallait le faire !
Ces provisions ont été payées par les consommateurs belges pour financer le démantèlement et la gestion du combustible usé, pas pour assurer la trésorerie des exploitants nucléaires et prendre des risques sur la solidité financière de ces exploitants.
– Une question que je me pose est pourquoi la deadline du remboursement est différente pour la gestion des déchets (2025) et du démantèlement (le 31 décembre 2030) ?
– Une autre question en lien avec les prêts est toujours à l’article 15, §2, alinéa 3, c’est la possibilité de nouveaux prêts pour ces provisions pour le démantèlement.
3) Externalisation : transmettre les fonds de Synatom à une structure juridiquement séparée du groupe Engie et relevant de la sphère publique (par exemple, la Banque nationale de Belgique la gestion des provisions nucléaires), sans reprise des risques, car l’on ne peut plus prendre de risques dans la gestion de ces fonds financiers essentiels pour assurer la transition post-nucléaire. Ici, Synatom reste une filiale du groupe Engie, sauf la golden share de l’État. Les actifs restent donc gérés par les administrateurs nommés par Engie. Je me réjouis donc de l’étude programmée.
4) Conclusion
Cela fait 10 ans que nous exigeons de renforcer le cadre légal pour provisionner tous les coûts liés à la gestion des déchets nucléaires, mais aussi au démantèlement des centrales qui prendra des dizaines d’années. Il faut écouter les experts de la CPN. Il convient aujourd’hui de réévaluer les coûts pour les prélever directement chez Engie et empêcher l’insolvabilité de la filiale d’Engie. Autrement, ce sont les citoyens qui devront trinquer ! Il est grand temps de passer à l’action et d’appliquer le principe du pollueur-payeur. Car ce n’est pas aux Belges à payer la facture des déchets nucléaires.