La Belgique, 1er pays à protéger les civils contre les armes explosives !

10 ans après le début de la guerre en Syrie, six ans après le début au Yémen et après des mois de discussions et d’auditions à la Chambre, notamment avec la Croix-Rouge Belge, Handicap International et la Défense belge, une proposition de résolution, dont je suis primo-signataire, a été votée à une large majorité afin de protéger les civils contre les armes explosives : c’est le premier Parlement au monde à se prononcer en faveur d’une déclaration politique internationale à ce sujet.

Dans les zones urbaines, 9 victimes sur 10 des bombardements sont des civils. Un civil est blessé ou tué toutes les 24 minutes des causes d’une bombe ou d’une arme explosive visant une zone urbaine. C’est devenu la réalité des guerres contemporaines du 21e siècle : les civils ne sont plus des dommages collatéraux, ils sont les principales victimes des conflits armés.

Le Parlement belge refuse que ces morts soient une fatalité. Bombarder une cible dans un champs de bataille ouvert, ou dans une zone peuplée, ce n’est pas la même chose ! Les leçons des ravages de la guerre dans les villes réduites en cendres en Irak, au Yémen, en Syrie, à Gaza et ailleurs, doivent être tirées. Une large majorité parlementaire demande d’éviter les artilleries, roquettes et bombes aériennes lourdes dans des villes à forte densité de population puisque les effets prévisibles sont tout simplement dévastateurs pour les civils.

Par cette proposition de résolution, la Belgique répond à l’appel lancé depuis plusieurs années par Handicap International, le réseau de la société civile INEW, le Comité International de la Croix-Rouge et le Secrétaire général de l’ONU.

Depuis 2019 à Vienne, 83 États se sont engagés dans la négociation d’une déclaration politique pour renforcer la protection des civiles de l’impact causé par les armes explosives en zones peuplées (EWIPA).

Début mars, 200 participants, dont 60 États incluant la Belgique, ont pris part à un nouveau round de négociations pour parvenir à une déclaration politique visant à assurer la protection des civils contre les dommages humanitaires provoqués par l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Le dernier round de négociations, qui doit aboutir à une déclaration finale, est attendu avant ou juste après l’été 2021.

D’ici là, notre pays montre la voie ! La Belgique était déjà le premier pays à interdire les mines antipersonnel. Nous sommes aujourd’hui le premier pays à demander de protéger les civils contre les armes explosives en zones peuplées, et de garantir à ces victimes un accès inconditionnel à l’aide humanitaire.

Pour célébrer ce vote et continuer à appeler à la mobilisation, Handicap International inaugurera un monument en hommage aux « Civils Inconnus » à Bruxelles le 30 avril prochain.

3 PILIERS

Le texte voté au Parlement pose 3 demandes très concrètes à toutes les parties dans les conflits armés : la limitation de l’usage de ces armes en zones peuplées ; la prévention des « effets dominos » et l’assistance aux victimes civiles.

1. ÉVITER LES ARMES EXPLOSIVES EN ZONES PEUPLÉES

– De quelles armes parle-t-on ? Il s’agit d’armes explosives lourdes à large rayon de destruction, comme les bombes d’avion, d’armes dont le système de lancement est imprécis, et d’armes capables de lancer de multiples munitions dans une zone donnée, comme les systèmes de roquettes à canon multiple.

Pourquoi posent-elle particulièrement problème ? D’abord en raison de la combinaison de la technologie de l’armement (les armes explosives à large rayon d’impact) et du contexte physique (zones peuplées), qui les rendent extrêmement dangereuses pour les populations civiles.

– Les frappes d’artillerie sont lancées depuis le sol par des obusiers qui peuvent se trouver à 20 km ou plus de l’objectif visé et ont une marge d’erreur allant jusqu’à 300 m. De même, les frappes de roquettes non guidées tirées depuis le sol – au moyen de systèmes très courants comme les lance-roquettes Grad de 122 millimètres – sont connues pour manquer leur cible, souvent d’un demi-kilomètre voire plus.

– En raison du manque de précision inhérent à ces deux catégories d’armes, qui ont été conçues pour attaquer de grands groupes de soldats dans des espaces dégagés, ce type de bombardement est totalement inadapté aux zones bâties civiles. Pire encore, les roquettes et l’artillerie sont généralement tirées en salves qui retombent sur des quartiers entiers, tuant et mutilant sans discrimination.

– Les frappes aériennes utilisant des bombes à charge importante peuvent être ciblées de manière plus précise, mais ces bombes contiennent de grandes quantités d’explosifs qui produisent de vastes ondes de choc et projettent des fragments mortels jusqu’à un kilomètre du site de l’attaque. Cela provoque des destructions considérables autour de la cible et détruit souvent des bâtiments entiers en un instant – tuant ou blessant tous les civils qui se trouvent à proximité.

2. DES EFFETS DOMINOS

– On le constate : les effets des armes explosives sur les civils ne se limitent pas à l’instant x de la détonation et/ou de la fragmentation (morts, dommages physiques graves, dégâts aux organes internes, blessures, lésions, etc.).

– Bombarder de loin des zones peuplées, salve après salve, implique souvent que des habitations et des infrastructures civiles se trouvent pulvérisées par des munitions peu précises ou beaucoup trop destructrices, qui provoquent des dommages de grande ampleur bien au-delà des cibles visées.

– C’est pourquoi le texte voté par la Commission Défense reconnaît, pour la première fois, bien au-delà des effets immédiats et directs des armes explosives, les « effets dominos » (« reverberating effects »). Concrètement, le Parlement demande à la Défense de prendre en compte – au moment de la planification de l’attaque – toutes les répercussions possibles de ces bombardements pour les civils très loin dans le temps et dans l’espace.

– Par exemple, si une bombe détruit de manière indirecte une canalisation, c’est toute une population qui risque de manquer d’eau potable. Si une explosion en zone urbaine cause aussi des dommages graves à un hôpital ou une école, ce sont des services essentiels qui ne peuvent plus être assurés.

– Plus un conflit durera dans le temps, plus ces effets s’amplifieront pour les civils, avec des déplacements forcés à la clé, contraignant des centaines de milliers de civils (Syrie, Yémen, Irak, Libye…) à fuir, devenant des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays et des personnes réfugiées.

3. L’ASSISTANCE AUX CIVILS

Il faut absolument venir en aide aux civils et stopper leurs souffrances car piégés par ces bombardements en zones peuplées, comme dans les villes, par exemple. Le Parlement demande à assister ces victimes touchées par ces bombardements en permettant un accès inconditionnel à l’aide humanitaire. Car bien souvent, ces zones se retrouvent entièrement détruites.

En plus de cet accès inconditionnel à l’aide humanitaire, il s’agit de porter assistance aux victimes en :

  • garantissant les besoins de base ;
  • apportant des soins médicaux à long terme ;
  • fournissant un soutien psychologique ;
  • facilitant l’intégration socio-économique ;
  • donnant accès à un système d’éducation.