En septembre dernier, le Tigré, une région au Nord de l’Ethiopie, a organisé des élections régionales malgré une interdiction d’élections imposée par le gouvernement qui a, de ce fait, déclaré les élections illégales. Depuis, la tension dans la région s’est intensifiée et un conflit armé a éclaté entre les soldats du Tigré et ceux du gouvernement éthiopien.
Aujourd’hui, le conflit qui oppose le front de libération des peuples du Tigré, TPLF, et le gouvernement d’Éthiopie menace de s’étendre à toute la Corne de l’Afrique. De plus, le risque de famine, aggravée par ce conflit, menace la région. L’ONU réclame un plein accès humanitaire à la région et l’assurance de la sécurité des civils fuyant les combats. Amnesty International dénonce des tueries de civils au Tigré.
Pour moi, la Belgique doit immédiatement mandater des envoyés pour la Corne de l’Afrique. Elle doit s’engager pour apporter un soutien aux efforts internationaux, et en particulier africains, pour endiguer la crise dans toute la région. En ce sens, j’interpellerai dès que possible la Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, au Parlement.
- Article réalisé grâce au précieux travail de ma collaboratrice Pauline Lambert
Appel de l’ONU à un cessez-le-feu
L’ONU a appelé à un cessez-le-feu immédiat de toutes les hostilités, qui ont commencé le 4 novembre dernier opposant le gouvernement fédéral éthiopien et le gouvernement régional du Tigré. Selon l’ONU, 4 000 personnes par jour fuient de l’Éthiopie vers le Soudan. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés annonçait ce 5 décembre que plus de 47 000 réfugiés venant d’Éthiopie étaient désormais arrivés au Soudan. Le Haut-Commissaire aux réfugiés de l’ONU, M. Filippo Grandi, a appelé à un couloir humanitaire afin d’atteindre les 90 000 réfugiés et personnes déplacées intérieurement dans des camps de réfugiés au Soudan et dans le nord de l’Éthiopie. Un accord a été conclu entre l’ONU et le gouvernement fédéral et l’aide humanitaire peut désormais être apportée aux zones contrôlées par le gouvernement fédéral éthiopien. L’ONU est prête à recevoir 200 000 réfugiés au Soudan. Un ancien camp de réfugiés, qui a servi pendant la famine de 1984, est tristement remis en utilisation. Le secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, a émis l’espoir que « l’Éthiopie soit capable de trouver la paix dont elle a besoin pour son développement et le bien-être de son peuple. »
La crise a, à juste titre, l’attention complète du continent africain. Le président de l’Union africaine, M. Cyril Ramaphosa, a désigné 3 hommes et femme d’État ; M. Joaquim Chissano, ancien président de la République de Mozambique, Madame Elle Johnson-Sirleaf, ancienne présidente de la République du Libéria, et M. Kgalema Motlanthe, ancien président de la République d’Afrique du Sud, en tant qu’envoyés spéciaux de l’Union africaine. Leurs efforts doivent être supportés.
Le cabinet du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a affirmé ce lundi 7 décembre dans un communiqué que la phase active des opérations militaires était terminée. Pourtant, l’ONU affirme que des combats continuent dans de nombreuses parties de la région du Tigré, y compris dans des zones où se situent des camps de réfugiés. Selon le porte-parole et conseiller du président du gouvernement régional du Tigré, les combats impliquent des bombardements sans discernement à Abiy Addi (au Tigré) par les forces fédérales et l’Érythrée. Le gouvernement fédéral éthiopien a également annoncé la prise de Mekele, capitale du Tigré, sans avoir fait de victime. Annonce contredite par des médecins de Mekele interviewés par le New York Times qui affirment qu’au moins 27 civils sont décédés et plus de 100 ont été blessés, lors de la prise de la ville. De nombreux citoyens dénoncent également les pillages des troupes éthiopiennes lors de leur passage, dans les villes ou les villages.
Tout mettre en oeuvre pour sortir de la tragédie
Malheureusement, les interventions militaires ne sont pas le seul problème dans la région. Après la perte des récoltes ravagées par des criquets pèlerins, les réserves de nourriture sont sévèrement menacées. Dans la région, 80% des habitants dépendent de l’agriculture pour vivre. Ce conflit s’ajoute donc désormais à une situation déjà terrible et fait craindre, pour le Tigré, une catastrophe humanitaire de l’ampleur de la grande famine de 1984-1985.
De plus, la crise actuelle arrive par-dessus la pandémie du Covid-19, ayant laissé les enfants déscolarisés pendant déjà 6 mois. Cela affecte des dizaines de milliers d’enfants en situations précaires, souvent séparés de leurs parents et gardiens.
La compagnie aérienne éthiopienne a suspendu une centaine de travailleurs d’ethnicité tigréenne. Elle est accusée de profilage ethnique.
Il fallait ensuite insister auprès du gouvernement éthiopien sur le respect global des droits humains pour tout citoyen éthiopien quelle que soit l’appartenance ethnique ainsi que pour tout individu dans la zone touchée par la crise actuelle.
Enfin, la région du Tigré a été coupée du reste du monde par le gouvernement fédéral éthiopien, ce qui signifie que la région souffre également d’un manque d’approvisionnement en eau, en médicaments, d’une coupure du réseau électrique… Cet isolement de la région et ces difficultés d’approvisionnement auront des répercussions désastreuses pour les traitements chroniques chez les patients souffrant de la tuberculose, du sida, du diabète insulinodépendant… Le Productive Safety Net Program, une aide alimentaire dont dépendent environ un million d’habitants du Tigré a également été suspendue, ajoutant aux risques de famine exposés ci-dessus. Toutes les communications avec la région du Tigré sont bloquées. Au vu des problèmes de sécurité et du manque d’informations sur la situation, l’accès de l’aide humanitaire au Tigré est difficile et ne sait résoudre les difficultés d’approvisionnement.
L’Éthiopie est renommée au niveau mondial pour son héritage culturel qui représente une des plus vieilles civilisations humaines, de laquelle les Africains et les Éthiopiens sont fiers à juste titre. Le site du patrimoine mondial de l’UNESCO à Aksum, d’autres sites de patrimoines et centres religieux sont désormais menacés.
Une tragédie a lieu au Tigré et combine une perte terrible de civils, comprenant des femmes et des enfants, des violences sexuelles, un déplacement forcé de masse et une crise de réfugiés, la menace d’une famine terrible et de non-accès au soin et aux besoins de base pour les Tigréens ainsi que la destruction d’un héritage culturel.
La crise régionale dans la Corne requière l’attention immédiate de la Belgique au plus haut niveau. La Belgique devrait compter sur l’expérience des hommes et femmes d’État pour contribuer aux efforts de l’Union africaine et de l’ONU. La Belgique devrait appeler au plus vite à des négociations pour un cessez-le-feu. Elle devrait également appeler à l’acheminement rapide de nourriture et d’autres aides humanitaires au Tigré dans les zones non contrôlées par le gouvernement fédéral éthiopien, en particulier par l’intermédiaire du Programme alimentaire mondial et d’autres organisations d’aide internationale.
J’interpellerai dès que possible la Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, au Parlement.