Il y a peu, j’ai à nouveau interpellé la Ministre des Affaires étrangères, Sophie Wilmès, concernant la situation de Mme Abula et de ses quatre enfants. Cette famille ouïghoure a été arrêtée devant l’ambassade belge à Pékin en mai 2019. Les dernières informations dont je dispose datent du 7 juillet dernier. C’était alors M. Goffin qui me les avait données.
D’où ces nouvelles questions adressées à la Ministre Wilmès :
- De nouveaux contacts ont-ils eu lieu entre l’ambassade belge, vos services et cette famille depuis novembre 2019? D’après mes informations, il n’y a plus de contact depuis novembre 2019, ce qui est inquiétant. Ou avez-vous pris un nouveau contact avec la famille en question ?
- Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation de Mme Abula et de ses enfants ?
- J’ai écouté attentivement l’émission de radio de la chaîne publique américaine NPR ce 13 juillet dernier concernant la détention à résidence, la surveillance par des policiers omniprésents, l’interdiction de contacts avec le père réfugié en Belgique à Gand, et le risque de transfert vers un camp d’internement ?
- On sait que plus d’un million d’Ouïghours sont aujourd’hui détenus dans un de ces camps dans la province de Xinjiang en Chine. La Chine a-t-elle montré plus d’ouverture quant aux demandes de la Belgique pour le rapatriement de cette famille saine et sauve ?
- Il faut rappeler qu’un visa avait été accordé à cette famille pour rejoindre le père Ablimit Tursun qui est ici en Belgique. Y a-t-il des avancées vis-à-vis du gouvernement chinois ?
Enfin, je voudrais dire un petit mot par rapport à l’actualité. Une convention d’extradition a été signée en 2016 entre la Belgique et la Chine. Cette convention a été ratifiée par le Parlement en 2018. On en reparle beaucoup aujourd’hui puisqu’elle vient d’entrer en vigueur. Je pense qu’il faut pouvoir dire que cette convention pose question aujourd’hui. La situation a changé depuis 2016. Le système judiciaire chinois a évolué et se rapproche de plus en plus d’un appareil de parti, à savoir le Parti communiste chinois. Il faut se poser la question de l’indépendance judiciaire. Les exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne sont pas respectées.
Et puis, la situation pour ces minorités ouïghoures ainsi que pour les défenseurs de la démocratie à Hong Kong a fortement évolué au cours des derniers mois. Il serait sain que la Belgique réévalue l’application de ce traité d’extradition, en particulier à la lumière de faits tels que ceux que je viens d’exposer à propos de cette famille ouïghoure détenue à résidence.
Dans sa réponse, la Ministre Wilmès indique que, “entre août et novembre 2019, notre ambassade à Pékin s’est entretenue à deux reprises par téléphone avec Mme Abula. Depuis décembre 2019, malgré plusieurs tentatives, le contact téléphonique n’a plus pu être établi. Dès lors, les autorités chinoises ont été approchées afin de s’enquérir de la situation de la maman et de sa famille. Il nous a été répondu qu’ils allaient bien et qu’en tant que citoyens chinois, leur situation ne relevait pas de la compétence de la Belgique.
S’agissant des faits rapportés le 13 juillet par la station américaine NPR (National Public Radio), je ne dispose pas d’éléments permettant de les confirmer. Toutefois, nous avons été informés par des sources proches de la famille que Mme Abula et ses enfants résidaient toujours dans leur appartement et que ces derniers étaient scolarisés.
Dans ce dossier, le Département privilégie la discrétion. C’est ainsi que depuis le 28 mai 2019, des contacts réguliers et discrets ont eu lieu entre les autorités belges et chinoises tant à Pékin qu’à Bruxelles. Cette situation a notamment été évoquée à un haut niveau en marge de la mission économique princière en novembre 2019, ainsi qu’en décembre 2019 lors d’un entretien à Bruxelles entre la directrice générale Affaires bilatérales et le vice-ministre des Affaires étrangères chinois.
Par ailleurs, en juin 2019, les autorités chinoises ont été informées que la procédure de regroupement familial était parvenue à son terme et qu’un visa pouvait être délivré dès que les membres de la famille seraient en possession d’un passeport chinois conformément à la procédure chinoise en vigueur.”
Je ne suis pas étonné que la situation n’ait pas changé et par la réponse officielle donnée par la Chine. En d’autres termes, “tout va bien pour cette famille” alors que nous savons que la situation de la minorité musulmane ouïghoure est très grave et alarmante en matière de respect de leurs droits humains et de sa minorité, dans la province du Xinjiang.
Lorsque l’on nous dit que la Belgique n’a rien à dire, c’est la convention consulaire de Vienne qui prévaut. Je crois qu’il est important de rappeler que la Belgique, et la Chine aussi, est sujette et soumise à des conventions internationales de droits humains et que lorsque ces droits ne sont pas respectés et qu’il y a des violations flagrantes, notamment en matière de prohibition de la torture et de risques de crimes contre l’humanité voire de génocides, il est important que la Belgique puisse le dire haut et fort.