Incendie à Tchernobyl : entre problèmes de sûreté nucléaire, catastrophes écologique et humanitaire

Plus de trente ans après, l’actualité nous montre que l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986 n’est toujours pas terminé. Depuis le 4 avril, et tandis que des millions de personnes vivent encore dans des zones contaminées, des feux de forêt sévissent à proximité de la centrale.

Pour l’ONG Greenpeace, il s’agit du pire incendie jamais observé dans la zone d’exclusion de Tchernobyl, avec des milliers d’hectares touchés.

Selon la Commission de recherches et d’informations indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), les images satellite de la NASA mises à jour le 14 avril suggèrent que les incendies se trouvaient alors à quelques centaines de mètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl, dont le réacteur ayant explosé par accident en 1986.

Ces incendies soulèvent d’importants problèmes de sûreté nucléaire devant être surveillés avec la plus grande attention. Un incendie près d’une installation nucléaire est toujours un risque, entraînant entre autres la libération dans l’air de césium 137, une substance particulièrement toxique.

Le niveau de radiation mesuré ces derniers jours dans les zones incendiées est 16 x supérieur à la normale. Les éléments radioactifs, charriés par les vents, peuvent contaminer de nouveaux territoires. À Kiev, les valeurs maximales atteignent des niveaux en césium 137 près de 200 x supérieurs à la normale (1 200 μBq/m3, contre environ 6 μBq/m³ en temps habituel).

Problème, il est impossible de trouver rapidement des données mondiales récentes sur la présence du césium 137 dans l’atmosphère de pays européens potentiellement situés dans le périmètre des incendies.

Mais la situation est surtout très inquiétante pour les populations qui vivent à proximité de la centrale, comme par exemple à la frontière avec la Biélorussie. La population, dont des centaines d’enfants, habitant cette zone est déjà en très mauvaise santé à cause d’une contamination chronique de leur alimentation au césium 137. Des maisons sont en feu dans les villages du district de Polessky. De nombreux habitants peuvent se retrouver sans logement, sans vêtement et sans nourriture et ils ne disposent d’aucun équipement de protection.

En Belgique, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) a indiqué le 16 avril, dans un court communiqué, qu’aucune hausse de la radioactivité n’avait été mesurée.

En France, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) français a publié une note d’information détaillée sur l’impact de ces incendies, indiquant notamment que « les masses d’air provenant de la zone des incendies qui se sont produits les 5 et 6 avril ont pu atteindre la France à partir de la soirée du 7 avril 2020. Au 14 avril 2020, ces masses d’air recouvraient encore la moitié du territoire. Les niveaux de radioactivité attendus en France sont extrêmement faibles. »

Au niveau européen, mes collègues du groupe des Verts appellent l’Union à mettre en place un programme d’aide d’urgence pour évacuer les enfants de cette zone sinistrée vers des lieux sûrs, pour envoyer des vivres non-contaminés et des dispositifs médicaux de base, y compris des masques.

Ils demandent par ailleurs à la Commission européenne de mettre en place un véritable programme de prévention des incendies de forêt potentiellement catastrophiques à l’intérieur de la zone d’exclusion entourant les ruines nucléaires de Tchernobyl.

De mon côté, en Belgique, j’interpellerai cette semaine le Ministre de l’Intérieur, Pieter De Crem, afin de savoir :

  • Si et quand nous aurons des détails sur le niveau de contamination de l’air en Belgique ;
  • Si, et vu que deux États membres de l’UE sont affectés, la Roumanie et la Bulgarie, le Groupement européen des autorités de sûreté nucléaire (ENSREG), dont fait partie l’AFCN, compte réagir et se réunir pour faire le point ;
  • S’il a des informations sur le rôle que compte jouer l’AIEA dans cette crise et sur les conséquences humanitaires qu’elle peut avoir pour les populations locales ;
  • Si l’AFCN a été informée d’un plan de coopération internationale pour limiter les conséquences de ces incendies ;
  • Comment combiner la gestion de cette crise radiologique avec celle du COVID-19 ?

J’interpellerai par ailleurs le Ministre des Affaires étrangères, Philippe Goffin, afin de tout mettre en oeuvre pour venir en aide aux populations affectées. Ce, en l’encourageant notamment à soutenir la mise en place au niveau européen d’un programme d’aide urgente pour évacuer les enfants de la zone sinistrée et pour y envoyer nourriture, vitamines, eau et lait (non-contaminés) ainsi que du matériel de protection médicale.

À suivre…