Soyons clairs : Trump viole le droit international !

Ce mercredi 8 janvier, j’interpellais le Ministre des Affaires étrangères et de la Défense, Philippe Goffin, sur une série de questions liées aux conséquences de l’assassinat par drone du général iranien – l’un des plus hauts gradés – Qassem Soleimani, perpétré par les Etats-Unis.

Pour la contextualisation, voici le lien vers un article coécrit avec Saskia Bricmont : “Pour Ecolo, la Belgique et l’UE doivent freiner l’escalade

Je me permets d’insister sur l’aspect juridique. En effet, selon le droit international, le jus ad bellum, le « droit de faire la guerre », l’agression de Trump viole ici toutes les règles en vigueur. C’est l’article 2, paragraphe 4, de la Charte des Nations unies qui le dit très clairement. Non seulement Trump n’avait aucune autorisation pour cibler ce commandant iranien sur le sol irakien, il n’avait aucun motif de légitime défense sous l’article 51 de la Charte, mais en plus il profère maintenant des menaces de cibler des sites culturels qui violeraient purement et simplement l’article 27 de la Convention de la Haye de 1907, l’article 53 du Premier Protocole de Conventions de Genève de 1949, et la Convention de la Haye de 1954 spécifiquement dédiée à la Protection des biens culturels en cas de conflit armé. Même en droit domestique américain (c’est le War Crime Act de 1996), ce serait un crime de guerre ! Le Conseil de Sécurité l’a aussi rappelé à plusieurs reprises, notamment dans sa résolution 2347 de Mars 2017. Il n’y a pas à douter, l’opération unilatérale de Trump violait toutes les règles du droit international et américain !

C’est peut-être un peu rébarbatif d’insister sur cet aspect juridique… Mais je m’attarde sur ce point car la réponse commune apportée par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni m’a quelque peu étonné, je dois bien vous avouer : pas une seule mention du rôle des Etats-Unis qui ont pourtant mis le feu aux poudres…

Nous devons pourtant attendre de nos alliés au sein de l’Otan le respect scrupuleux du droit international, des droits humains, et l’attitude de Trump de ces derniers jours doit être dénoncée beaucoup plus clairement. Quand la Turquie a lancé son opération militaire unilatérale dans le Nord-Est de la Turquie, la première réaction du Ministre Reynders, votre prédécesseur, a été de convoquer l’ambassadeur turc. J’espère que vous avez également convoqué l’ambassadeur américain pour lui demander de stopper l’escalade des tensions qui nous met tous en danger – et sinon mon groupe aimerait vous inviter à le faire aussi rapidement que possible.

Géopolitiquement, l’attaque de Trump était la pire des options :

– La représaille ne s’est pas faite attendre, puisque cette nuit, l’Iran a tiré 22 missiles sur des bases américaines en Irak, où je rappelle que des soldats belges sont toujours stationnés. C’est d’autant plus catastrophique pour un pays déjà ravagé par des années de guerre.

– Dans une résolution, le Parlement irakien a demandé le retrait de toutes les troupes étrangères dans une résolution, et donc aussi nos hommes.

– Tout aussi grave pour notre sécurité, l’Iran a annoncé arrêter de respecter l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

D’où ces questions, adressées ce mercredi en commission des relations extérieures au Ministre des Affaires étrangères et de la Défense, Philippe Goffin, qui me semblent capitales :

– Dans le but d’éviter une escalade dangereuse des tensions dans la région, quels contacts avez-vous entrepris dans la région ? Avez-vous convoqué l’ambassadeur américain ? Vous êtes-vous déjà entretenu avec le ministre irakien des affaires étrangères ou son ambassadeur pour lui rappeler l’attachement de la Belgique à la sécurité et à la souveraineté de l’Irak ?

– Le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère a annoncé inviter le ministre iranien des Affaires étrangères, Java Zarif, à Bruxelles. Quelle position va soutenir le Haut représentant ? Quel respect des accords de Vienne (le fameux JCPOA) est encore à espérer ? Nous reste-t-il une petite fenêtre ouverte pour continuer la diplomatie avec l’Iran ? Je pense notamment au système INSTEX qui pourrait prouver aux Iraniens que l’accord de Vienne peut encore avoir du sens, du moins économique, pour eux ?

– Quelle est la position de la Belgique sur l’assassinat de Qassem Soleimani ? Est-ce que les États-Unis ont consulté leurs alliés, dont la Belgique, avant l’opération ? Quelle est la position de la Belgique par rapport aux menaces que fait peser le président Trump sur des sites culturels iraniens, qui s’apparenteraient à des crimes de guerre en droit international humanitaire et en droit pénal international ? Je sais qu’il y a un Conseil des affaires étrangères ce vendredi, j’espère que la Belgique y portera un message plus clair que la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

– Quelle est aujourd’hui la menace qui pèse sur les bases de la coalition internationale en Irak ? Quel est l’impact pour nos hommes sur place ? Quelle est la réaction de la Belgique par rapport à la demande du parlement irakien du retrait de la coalition internationale ?

– Enfin, pour la stabilité régionale, c’est important de penser au-delà du cas précis qui nous occupe aux répercussions dans d’autres pays, et je pense en premier lieu à la Syrie… Ce vendredi 10 janvier, l’aide transfrontalière humanitaire en Syrie pourrait stopper car la résolution du Conseil de Sécurité ne semble pas avoir été prorogée. Enfin, nous avions le petit espoir il y a quelques semaine, d’une désescalade entre l’Iran et l’Arabie saoudite, et la Belgique a joué un rôle dans ce rapprochement. Comment l’Union européenne et la Belgique pourraient au plus vite activer et mettre en place une Conférence dans le Golf.